Un bébé guéri du sida ?
Dix-huit mois après un traitement antirétroviral à la naissance, une enfant américaine de 3 ans, née séropositive, ne présenterait plus de trace du sida, selon une étude publiée le 23 octobre 2013 dans le New England Journal of Medicine, confirmant une annonce réalisée en mars 2013 dans un congrès de cardiologie.
Au début de l'année 2010, une équipe de médecins de Baltimore (Etats-Unis) a pris en charge une petite fille née séropositive à la suite d'une contamination maternelle (le parent ne suivant pas de traitement). Ceux-ci ont pris le parti de lui administrer un traitement antirétroviral (ARV) moins de 30 heures après sa naissance - c'est-à-dire beaucoup plus tôt que ce qui était préconisé jusqu'alors.
Des tests régulièrement pratiqués sur ce nourrisson ont montré que la charge virale était indétectable après le 29e jour de vie. Le virus n'avait pas été éradiqué, mais sa présence était trop faible pour être détecté.
Cependant, interrompre un traitement ARV lorsque la charge virale est indétectable permet au virus, retranché dans certaines cellules de l'organisme (les cellules TCD4+), de se développer de nouveau. Les chercheurs espéraient toutefois que la précocité du traitement ait permis de prendre de vitesse la contamination de ces cellules "réservoirs" du virus.
Ils ont donc attendu 18 mois pour interrompre le traitement ARV de l'enfant. Selon la publication réalisée le 23 octobre 2013 dans le New England Journal of Medicine, des tests génétiques ont permis de détecter des traces du virus dans l'organisme. Toutefois, il serait tellement affaibli que les défenses immunitaires de l'enfant semblent suffisantes pour empêcher sa réplication. Des analyses ont démontré que les cellules TCD4+ de l'enfant sont exemptes de toute trace de virus.
Le VIH n'ayant pas été complètement éradiqué de l'organisme du nourrisson, le Docteur John Frater, chercheur à l'Université d'Oxford, invité à commenter la première présentation du cas en mars 2013, évoquait un "stade de rémission" du virus. Selon lui, il reste impératif de suivre l'enfant sur le très long terme pour vérifier que le virus ne se réactive pas.
Ce cas de "guérison" du sida serait le second au monde après celui du patient américain Timothy Brown, dit le patient "de Berlin" qui avait guéri suite à une greffe de moelle osseuse. Le donneur de moelle était porteur d'un gène qui empêchait le virus du sida d'entrer dans les cellules.
La virologue Deborah Persaud, membre de l'équipe qui a traité l'enfant et cosignataire de l'article du NEJM, souhaite élargir ses essais cliniques sur un nombre suffisant d'enfants, pour vérifier si un traitement intensif sur d'autres bébés contaminés dans les premières heures de leur vie permettrait de répéter le résultat obtenu.
Néanmoins, "nous ne sommes pas certains que ce résultat soit généralisable et reproductible", répond le Dr Harry Moultrie de l'université de Johannesburg, car selon ce spécialiste, un seul cas ne constitue pas une stratégie applicable à tous.
Interrogé en mars 2013 par l'équipe d'Allodocteurs.fr, Stéphane Blanche, pédiatre spécialiste du sida à l'hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), estimait qu'établir des tests du VIH, dans les pays pauvres à forte endémie, pour traiter des bébés dans les deux premiers jours de vie est "illusoire"
Source : Absence of Detectable HIV-1 Viremia after Treatment Cessation in an Infant. Deborah Persaud et al. NEJM oct. 2013 doi:10.1056/NEJMoa1302976
En savoir plus
Sur Allodocteurs.fr :