Food Porn : quand la pornographie alimentaire attise notre appétit
Il existe sûrement des questions que vous avez toujours eu envie de poser à votre médecin, mais vous n'avez jamais osé, par pudeur, crainte, voire même honte. Notre journaliste, Mélanie Morin, se pose ces questions à votre place. Et pour cette chronique, il est question de "pornographie alimentaire"...
De nombreuses personnes postent très régulièrement sur Internet des photos de ce qu'elles mangent. Elles ne peuvent pas s'en empêcher, et on peut se demander si ce comportement relève d'une obsession, voire d'un trouble alimentaire.
Une page Facebook est même entièrement consacrée à cette pratique. Son nom : "J'aime prendre en photo ce que je mange". Il s'agit sans doute d'une façon pour ces internautes de dire à leurs amis le plaisir qu'ils prennent à manger tel ou tel plat. Il n'y a donc rien de grave dans cette pratique. Pourtant les médias se sont emparés du phénomène et quelques articles alarmants sont parus, d'où l'interrogation voire l'inquiétude de certains adeptes.
Le fait de prendre sa nourriture en photo est qualifié de "pornographie alimentaire". Mehmet Oz, chirurgien cardiaque et présentateur télé américain, a employé cette expression qui a été abondamment reprise dans la presse. La théorie avancée, c'est que l'analogie entre images pornographiques et images gastronomiques vient du fait que les images de nourriture exciteraient notre envie de manger. La revue américaine The Journal of neuroscience explique que le fait de visionner des images de nourriture en gros plan notamment, active la zone cérébrale où se manifeste l'appétit et peut générer de véritables compulsions… On mangerait presque avec les yeux.
Ce phénomène a d'ailleurs été évoqué lors du sommet canadien sur l'obésité qui s'est tenu il y a quelques mois à Vancouver. Une psychiatre présente sur place a déclaré que "communiquer de façon excessive sur son alimentation cacherait effectivement un trouble alimentaire". Certains de ses patients ne feraient que, à longueur de journée, manger, prendre des photos, et les poster sur Internet et ce, à tous les repas !
Doit-on en parler à son médecin ?
Les nutritionnistes français contactés à ce propos sont moins alarmistes que leurs confrères américains. Tout dépend de la fréquence, de la répétition et de l'objet de cette prise de photos des plats qu'on déguste…
Si vous êtes un fin gourmet, si vous alimentez de photos un blog parlant de cuisine parce que c'est votre passion, parce que vous cuisinez vous-même, cela est plutôt positif, c'est une activité créative saine. Vous ne faites pas que penser à la nourriture, vous mettez littéralement la main à la pâte. En revanche, si vous postez tous les jours des photos de votre petit déjeuner, de votre déjeuner, de votre goûter, de votre dîner… sans trop savoir pourquoi, de façon instinctive et répétée cela peut valoir le coût d'en parler à un professionnel de santé ou tout simplement de vous poser la question pour savoir quelle est votre réelle motivation, que cherchez-vous à exprimer ?
Des photos révélatrices ?
Les photos prises peuvent être révélatrices. Plus c'est gros, plus c'est gras, plus ça pose question. Par exemple le site Internet subtilement intitulé "thisiswhyyourefat.com" documente les pires bombes à calories.
Selon les nutritionnistes, si la personne a ce comportement de façon très répétée et s'il s'agit pour elle de trophées photographiques de ce qu'elle a effectivement ingurgité sur la journée, alors oui cela peut être problématique. Cette attitude montre que cette personne mange beaucoup, très gras, et nourrit, quelque part, une obsession par rapport à la nourriture. Bien sûr ce diagnostic doit être évoqué en consultation médicale avec un professionnel.
Si en revanche, la personne, par effet de groupe, participe à des défis ou poste très ponctuellement ce type de photos… il n'y a rien de grave. Peut-être devriez-vous envisager une carrière de styliste culinaire ?
Prendre en photo ce que l'on mange peut-il être positif ?
Il y aurait effectivement du positif au fait de prendre en photo ce que l'on mange, cela pourrait même être thérapeutique. Une nutritionniste nous a confié que cela aidait beaucoup une de ses patientes à faire le compte, tout simplement, de ce qu'elle mange sur une journée pour que le médecin puisse ensuite l'aider à réguler la quantité et la qualité nutritionnelle des plats mangés. La nutritionniste l'a ainsi aidée à incorporer plus de féculents dans son alimentation parce qu'ils n'apparaissaient jamais sur les photos fournies.
Certains patients grossissent du fait de leur traitement antidépresseur, un traitement qui a tendance à atténuer le signal de satiété et donc à faire grossir les patients. Certains patients ont décidé de tourner en dérision leurs compulsions alimentaires, leurs furieuses envies de manger avec des créations photographiques. Une façon de prendre un peu de recul sur ce problème particulier.
Pour conclure, autant joindre l'utile à l'agréable. Un conseil serait de prendre de sublimes photos des cinq fruits et légumes que nous sommes censés consommer par jour.
N'hésitez pas à envoyer vos questions gênantes via la rubrique "La parole est à vous".
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Ailleurs sur le web :
- Fitbie.com
- "The Food porn problem", par Theresa O'Rourke