Êtes-vous hypersensible au gluten ? La science va tenter de le savoir
Les ventes de produits sans gluten ont progressé de 12% en 2017. Pourtant, les personnes souffrant de la maladie cœliaque ne représentent que 1% de la population, et les allergiques entre 0,1 et 0,5%.
Les rayons "sans gluten" des supermarchés sont de plus en plus fournis, et pourtant, le nombre d’intolérants et d’allergiques au gluten reste extrêmement faible. En effet, les premiers représentent 1% de la population, et les seconds de 0,1 à 0,5%. Quelle est alors la raison de cette tendance ? Peut-être est-ce la multiplication des "hypersensibles" au gluten, dont on ne connaît pas la proportion exacte. Et pour cause : si leurs troubles digestifs sont mis sur le compte du gluten, cela n’est pas prouvé scientifiquement. En effet, il n’existe aucun examen pour déceler cette "hypersensibilité".
Pour rappel, la maladie cœliaque détruit la paroi de l'intestin grêle et provoque anémie, diarrhées, perte de poids, douleurs osseuses, et des retards de croissance. Pour les "vrais" intolérants, exclure le gluten est vital. Il n’existe pas de traitement contre la maladie cœliaque, exclusion du gluten mise à part. Cette pathologie répond à un diagnostic clair, effectué via une prise de sang et confirmée par une endoscopie du haut intestin grêle.
Des personnes "hypersensibles" au gluten "vital"
Des pistes existent néanmoins pour expliquer cette "recrudescence" des hypersensibles. "Pour en avoir vu beaucoup, je pense qu'une grosse majorité des gens qui disent qu'ils vont mieux quand ils enlèvent le gluten, en fait vont mieux parce qu'ils enlèvent les fructanes [certains glucides], qui sont aussi dans les céréales contenant du gluten", explique Emmanuelle Kesse-Guyot, qui a lancé un questionnaire en ligne sur le sujet.
Par ailleurs, selon Corinne Bouteloup, gastro-gastroentérologue au CHU de Clermont-Ferrand, on ne mange pas plus de gluten aujourd'hui, "mais la qualité du gluten a changé". En effet, ce qu’on appelle le gluten "natif" est présent naturellement dans certaines céréales, dont le blé. A l’inverse, le gluten "vital" est rajouté par les industriels dans certains aliments pour le volume et l’élasticité qu’il apporte. "Nos grands-parents mangeaient du vrai pain et pas des pains industriels, des pizzas, des plats préparés, de la charcuterie... Un tas de produits auxquels a été ajouté du gluten. Or, le gluten vital est très concentré, donc possiblement plus résistant à la digestion", explique-t-elle. "Si on arrive à montrer qu'effectivement, c'est un problème de qualité du gluten et de son ajout, on pourrait peut-être modifier les pratiques", conclut la gastroentérologue.
La question du gluten revêt donc une importance majeure. Certaines personnes décident en effet de s’en passer sans jamais s’être vu diagnostiquer une intolérance ou une allergie, et souffrent de carences. "Ce qu’on sait, c’est que les gens qui excluent le gluten excluent aussi d'autres choses", observe Emmanuelle Kesse-Guyot.
Etudier les habitudes des "sans gluten"
Une étude a été lancée par l’Inra, l'Inserm et le CHU de Clermont-Ferrand. L'Inra étudie la digestibilité de 24 produits pour proposer aux hypersensibles un aliment qu'ils pourraient tolérer. Le CHU de Clermont-Ferrand, quant à lui, va réaliser une étude en double-aveugle sur une soixantaine de personnes. Certaines, sans le savoir, suivront un régime sans gluten, d’autres non. "Le but est de trouver des biomarqueurs, car pour l'instant, les médecins sont plutôt embêtés pour faire un diagnostic", explique Catherine Grand-Ravel, qui coordonne le projet. Des analyses de sang, d'urine et de selles doivent permettre de mettre au jour ces "marqueurs". L'étude clinique, financée par l'Agence nationale de la recherche, sera lancée début 2019. Ses premiers résultats seront connus en fin d'année.
Parallèlement, une enquête épidémiologique est en cours. Via l'étude Nutrinet, des "sans gluten" ont été interrogés sur leur nutrition et leur santé. 20.000 réponses ont été retenues. "On a exclu les gens qui ont une maladie cœliaque. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir si les gens qui excluent le gluten par choix personnel ont des caractéristiques particulières", précise Emmanuelle Kesse-Guyot, qui dirige la recherche.