Alzheimer : l'apparition des symptômes retardée chez les personnes bilingues
L'apprentissage et la pratique d'une deuxième langue pourraient retarder de plusieurs années l'apparition de certaines formes de démence chez les personnes âgées, mêmes illettrées. Cette conclusion d'une importante étude, publiée le 7 novembre 2013, dans la revue Neurology, rejoint les constats actuels sur les bénéfices d'une stimulation intellectuelle prolongée au cours de la vie.
"Parler plus d'une langue paraît induire un meilleur développement de la zone du cerveau responsable du raisonnement et de l'attention, qui pourraient contribuer à protéger [les individus] de la démence", explique Suvarna Alladi, de l'Institut Nizam des Sciences Médicales à Hyderabad en Inde, principal auteur des travaux publiés dans Neurology.
Alzheimer retardé chez les personnes bilingues
Son équipe a suivi 648 personnes de 66 ans de moyenne d'âge, et diagnostiquées de différentes formes de démence. Parmi elles, 14% étaient analphabètes. 391 membres du groupe parlaient au moins deux langues (1).
Dans le groupe, 240 personnes souffraient de la maladie d'Alzheimer, 189 de démence vasculaire et 116 de démence fronto-temporale, une affection rare (voir encadré). Les autres étaient atteints d'autres formes de démence, parmi laquelle celle dite "à corps de Lewy", qui partagent des caractéristiques avec les maladies d'Alzeimer et de Parkinson.
En moyenne, les personnes bilingues ont développé la maladie d'Alzheimer et des démences fronto-temporales ou vasculaires quatre ans et demi plus tard que celles qui ne parlaient qu'une seule langue.
Un bénéfice également observé chez les personnes analphabètes
Parmi le sous-groupe des personnes analphabètes, celles qui parlaient au moins deux langues ont également présenté un retard moyen d’apparition de leur démence de quatre ans et demi.
Aucun avantage supplémentaire au fait de parler plus de deux langues n'a pu être constaté. Toutefois, la proportion de patients trilingues ou quadrilingues semble trop faible, dans cette étude, pour réellement conclure sur ce point.
Le bénéfice du bilinguisme a été confirmé en tenant compte de facteurs tels que le niveau de formation, le sexe, la profession ou si les participants vivaient dans une ville ou en zone rurale.
Cette étude abonde dans le sens des connaissances scientifiques sur l'importance de la stimulation intellectuelle précoce et continue des individus dans la prévention des démences. Comme l'expliquait récemment dans nos colonnes le professeur Bruno Dubois, directeur de l'Institut de la Mémoire et de la Maladie d'Alzheimer (IMMA), "le niveau culturel des personnes à une incidence sur l’apparition de la maladie. Il semble qu'un développement précoce du réseau de synapses retarde l'expression de la maladie à l’âge adulte. Il existe probablement une plus grande plasticité cérébrale - une plus grande aisance pour le cerveau à se reconfigurer - chez des personnes ayant eu une sollicitation intellectuelle plus tôt dans l'enfance."
(1) L'étude a été réalisée en Inde, où 23 langues officielles sont reconnues. La langue administrative, comprise par un grand nombre d'Indiens en plus de leur langue régionale, est l'anglais.
Source : Bilingualism delays age at onset of dementia, independent of education and immigration status. S. Alladi, et al. Nov. 6, 2013, Neurology doi:10.1212/01.wnl.0000436620.33155.a4
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Consécutives à un manque d'oxygénation de plusieurs zones du cerveau (fréquemment, des suites d'un accident vasculaire cérébral), les démences vasculaires représenteraient de 20 à 30% des cas de démences. Les démences fronto-temporales sont, quant à elles, dûes à l'atrophie de certaines de lobes cérébraux, entraînant une modification progressive du comportement et du caractère. La nature exacte du processus qui conduit au développement de ces démences n'est pas encore identifiée.