Concours de médecine : une sélection sociale avant tout ?
Qui, parmi les 56.000 candidats se présentant au concours des écoles de médecine, deviendra un jour médecin, dentiste, pharmacien ou sage-femme ? La première année commune aux études de santé (PACES) est le fruit d'une sélection impitoyable, dont l'utilité et l'élitisme sont toujours contestés.
"La première année, c'est du bourrage de crâne, il faut apprendre bêtement, ce n'est pas du tout de la médecine. A l'exception de l'anatomie, ce qu'on apprend ne sert plus par la suite. C'est une sélection morale avant tout, il faut montrer qu'on est capable de tenir un ou deux ans", raconte Clémentine Bezon, 21 ans, en 4ème année de médecine à Brest.
Mais cette première année opère surtout une forte sélection sociale. Plus de 40% des médecins, pharmaciens dentistes en activité sont ainsi issus de catégories socioprofessionnelles supérieures contre seulement 8% de familles d'ouvriers, selon des chiffres de 2006 de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).
Aussi dans les prépas privées
"Beaucoup de jeunes gens veulent devenir médecin, mais le système parallèle des classes préparatoires privées favorise les enfants de familles privilégiées", estime le médecin et écrivain Martin Winckler, qui rappelle néanmoins qu'il y a "des gens qui résistent".
Malgré un coût de 1.500 à 4.000 euros par an, 66% des étudiants en médecine ont eu recours à des prépas privées en 2012-2013, d'après l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf).
Un système "hypocrite" qui fait que "ceux qui ont le mérite peuvent être devancés par ceux qui ont de l'argent", s'insurge Julie, 18 ans, en première année à l'université Paris 5 et inscrite dans une prépa privée.
Les qualités humaines évacuées
Uniquement axée sur les résultats au concours, la sélection en France fait l'impasse sur la personnalité des candidats. "Avant tout, un médecin devrait être un soignant. La sélection par bachotage au concours privilégie l'apprentissage livresque, et non l'aptitude à soigner", estime Martin Winckler.
"Mais la question est : par quoi remplacer cette sélection absurde en France ?", s'interroge Jean-Loup Salzmann, docteur en médecine, président de l'université Paris 13 et de la Conférence des présidents d'université (CPU).
Admission alternative
"Dès la rentrée prochaine, des expérimentations seront mises en place dans une poignée d'universités, dont Paris 13. Des étudiants de toutes les licences pourront espérer intégrer la deuxième année de médecine à condition d'avoir validé des modules d'enseignements médicaux ainsi qu'un stage dans une structure médico-sociale", explique M. Salzmann.
La loi Fioraso de juillet 2013 autorise ce type d'expérimentations permettant une "admission différée" en deuxième ou troisième année d'études de santé (médecine, sage-femme, odontologie ou pharmacie) pour des étudiants qui auront suivi un premier cycle "adapté".
La sélection à l'étranger
Pour favoriser la mixité sociale et élargir les critères de recrutement, une partie de la sélection aux Pays-Bas se fait par exemple par un système de loterie pondérée. Aux Etats-Unis et au Canada, on ne peut accéder aux études de médecine qu'après une licence de 3 ou 4 ans avec une spécialisation "pre-med" en matières scientifiques.
En 2012, près d'un quart des nouveaux inscrits au tableau de l'Ordre des médecins avait un diplôme obtenu hors de France. Ils peuvent être français, ayant obtenu leur diplôme à l'étranger pour contourner le numerus clausus.
Cette année, la PACES va laisser plus de 40.000 étudiants sur le carreau.
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