La bactérie n'avait pas que de l'arsenic au menu
Une chercheuse pensait avoir découvert une bactérie originale, capable de vivre uniquement grâce à de l'arsenic. Il n'en est finalement rien. Deux nouvelles études viennent contredire ses résultats.
Les travaux de Felisa Wolfe avaient fait des remous dans la communauté scientifique. Non sans raison. Il y a dix-huit mois, la chercheuse disait avoir découvert une bactérie, appelée GFAJ-1, capable de se développer et de vivre uniquement grâce à un élément chimique à priori peu associé à la vie, car toxique pour les organismes vivants : l'arsenic. D'après son étude, "A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus", parue en juin 2011 dans la revue Science, cette bactérie vivant dans les sédiments riches en arsenic du lac salé Mono, en Californie, pouvait intégrer l'élément dans son ADN, à la place du phosphore. Mais il semble que la bactérie californienne ne révolutionnera pas les connaissances fondamentales que nous avons de la vie et du métabolisme…
Phosphore indispensable au développement
Deux nouvelles études publiées le 8 juillet 2012, dans la revue scientifique Science, réfutent catégoriquement cette thèse. La première a été conduite par le microbiologiste Tobias Erb de l'Institut de Microbiologie de Zurich, en Suisse, et la seconde recherche, par Marshall Reaves de l'Université de Princeton.
Toutes deux sont arrivées aux mêmes conclusions et apportent un démenti formel aux thèses de Felisa Wolfe. Il s'est avéré que la bactérie GFAJ-1 avait besoin d'une petite quantité de phosphate pour se développer, même si elle pouvait survivre dans un environnement contenant de fortes teneurs d'arsenic et de faibles quantités de phosphate. La bactérie GFAJ-1 ne déroge donc pas à la règle : elle ne peut pas se passer de phosphore - une des six molécules clé de la vie sur Terre avec l'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le carbone et le soufre - pour vivre.
Pas d'arsenic en guise de phosphore
Si l'arsenic est toxique pour les organismes vivants, ses propriétés chimiques sont semblables à celles du phosphore. Ces nouveaux travaux n'ont cependant apporté aucune indication quant à une substitution du phosphore dans l'ADN de la bactérie GFAJ-1 par de l'arsenic, bien qu'il soit exact qu'elle puisse vivre dans un environnement contenant de plus faibles concentrations de phosphate que les autres variétés de micro-organismes résistants à la toxicité de l'arsenic.
Felisa Wolfe-Simon avait reconnu avoir détecté de faibles niveaux de phosphate dans les échantillons étudiés, mais avait conclu que ces teneurs étaient insuffisantes pour permettre à GFAJ-1 de se développer, avançant alors l'hypothèse de la substitution par l'arsenic très abondant dans l'environnement où vivent ces micro-organismes. Sans pouvoir se passer de phosphore, cette bactérie très résistante semble se contenter de doses beaucoup plus modestes que les autres…
En savoir plus :
- Science
- "GFAJ-1 Is an Arsenate-Resistant, Phosphate-Dependent Organism", 8 juillet 2012.
- "Absence of Detectable Arsenate in DNA from Arsenate-Grown GFAJ-1 Cells", 8 juillet 2012.
- "A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus", 3 juin 2011.