Le cerveau réagit aux langues entendues dans la petite enfance

Le cerveau humain est capable d'identifier des sons et des tonalités propres à une langue entendue durant la petite enfance, mais jamais entendue par la suite. Telle est la conclusion d'une recherche canadienne menée sur des enfants adoptés, publiée ce 17 novembre dans les Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS).

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
L'apprentissage peut se faire pendant le sommeil paradoxal et le sommeil lent léger.
L'apprentissage peut se faire pendant le sommeil paradoxal et le sommeil lent léger.
Zone spécifiquement activée lors de l'écoute des sons et tonalités du chinois mandarin (les niveaux d'activation des zones non spécifiques ont été soustraits aux résultats). Source : PNAS
Zone spécifiquement activée lors de l'écoute des sons et tonalités du chinois mandarin (les niveaux d'activation des zones non spécifiques ont été soustraits aux résultats). Source : PNAS

Dans les premiers jours qui suivent la naissance, notre cerveau apprend à reconnaître les sons(1) propres au langage employé par nos congénères. Mais qu'advient-il des connexions neuronales associées à la reconnaissance de cette langue si, au cours de notre vie, nous n'y sommes plus exposés ?

Afin de répondre à cette question, des chercheurs canadiens ont recruté une quarantaine d'adolescentes. Un premier groupe était formé de jeunes filles nées et élevées dans des familles francophones, n'ayant pas appris une autre langue. Un deuxième groupe comptait des filles adoptées avant l'âge de trois ans (en moyenne, à l'âge de un an) par des familles exclusivement francophones. Un dernier groupe regroupait des filles adoptées en Chine, ayant appris le français avant l'âge de trois ans, mais ayant continué à pratiquer le mandarin tout au long de leur vie.  

Ces jeunes filles ont écouté des enregistrements de différents sons et tonalités, dont certains étaient très caractéristiques du chinois mandarin qui n'existent pas en français.

Dans une première phase de l'étude, les enfants devaient tâcher d'identifier les séquences sonores qui correspondaient à un langage parlé. Les scores des enfants nés en Chine sont apparus significativement supérieurs à ceux des enfants n'ayant jamais été exposés aux langues de ce pays.

Par la suite, les chercheurs ont réalisé des IRM lors de la diffusion des séquences audio. Les relevés montrent que chez toutes les filles exposées au mandarin très jeunes, le gyrus temporal supérieur gauche s'active fortement. Chez les sujets uniquement exposés au français, c'est une autre partie au niveau du cortex auditif (le gyrus temporal supérieur droit) qui s'active(2).

"Les représentations mentales créées dans le cerveau d'un très jeune enfant par l'apprentissage d'une langue peuvent persister à l'âge adulte malgré la perte de la capacité à la parler", expliquent les auteurs de ces travaux. Ils soulignent que la petite enfance est une période durant laquelle le cerveau possède une très grande plasticité.

La première année de la vie apparaît donc aux chercheurs comme "une période optimale" pour le développement des catégories de sons de la langue maternelle, réalisé par un processus d'harmonisation avec l'environnement.

L'exposition à une seule langue accroît progressivement la sensibilité aux sons et tonalités qui y sont spécifiques au détriment de la capacité à reconnaître spontanément d'autres sons.

Si les recherches permettent de comprendre la formation de ces premières représentations dans le cerveau, les mécanismes cérébraux nécessaires pour les maintenir restent largement incompris, notent les auteurs.

Selon eux, cette recherche est "la première observation neurale de ce qui se passe dans le cerveau lors des premiers moments de l'apprentissage" et de la persistance des effets.

-----

(1) Les sons propres au langage sont, d'ailleurs, analysés dans des zones spécifiques de notre cerveau.

(2) Les chercheurs ont pris soin d'exclure les gauchères de l'étude afin de ne pas biaiser les résultats.

 

Source : Mapping the unconscious maintenance of a lost first language. L.J. Pierce et coll. PNAS, 17 nov. 2014. doi: 10.1073/pnas.1409411111 et documentation complémentaire

En savoir plus :