Les déremboursements de médicaments sont-ils rentables ?
Les vagues successives de déremboursements de médicaments menées depuis 2002 pour réduire les dépenses de santé ne seraient pas aussi efficaces qu’espéré… C'est la principale conclusion d'une étude publiée par l'Institut de recherche en économie de la santé (IRDES).
La nécessité de contrôler les dépenses de santé a incité les pouvoirs publics à dérembrouser les médicaments les moins efficaces au regard du progrès thérapeutique. Depuis 2002, 369 médicaments dont le service médical rendu (SMR) a été jugé insuffisant par la Haute Autorité de Santé (HAS), ne sont plus pris en charge par la Sécurité sociale.
À première vue, ces mesures sont efficaces lorsqu'un médicament sort du panier remboursé, il voit immédiatement son chiffre d'affaire diminuer. Les chercheurs de l'IRDES ont analysé plus précisément la vague de déremboursement de médicaments mucolytiques et expectorants (pour le traitement des infections des voies aériennes, bronchites, toux…) l'impact de la mesure est évident : la prescription de ces médicaments a diminué de moitié dès l'année suivante.
Reports de prescriptions
Ce changement semble donc avoir un effet positif, mais c'est sans compter les reports de prescriptions. "On s'est aperçu que lorsqu'un médicament est déremboursé, le patient a tendance à faire pression sur son médecin pour qu'il lui prescrive un autre médicament, qui, lui, est encore pris en charge par la Sécurité sociale", explique Sylvain Pichetti, économiste de la santé à l'IRDES. Dans le cas des mucolytiques et expectorants, l'étude montre un report vers les prescriptions d'autres classes thérapeutiques : antitussifs (+ 12,9 points) et bronchodilatateurs (+ 4,4 points).
Ces substitutions ne sont pas toujours appropriées d'un point de vue médical car il arrive que les indications des deux catégories de médicaments ne soient pas exactement les mêmes. Mais surtout, les reports de prescriptions réduisent les économies réalisées par l'Assurance-maladie : "S'il n'y avait pas eu cet effet de report, on aurait pu s'attendre à une économie de 70,5 millions d'euros grâce au déremboursement des mucolytiques et expectorants. Mais finalement les reports ont coûté 38,4 millions d'euros, donc au final l'économie nette ne dépasse pas 32,1 millions d'euros, soit moins de la moitié de l'objectif", détaille Sylvain Pichetti.
Les auteurs de l'étude ne prônent pas une remise en cause de ces déremboursements : "Cela reste une mesure rationnelle et justifiée car la société ne peut pas prendre en charge tous les médicaments, surtout les moins efficaces", affirme Sylvain Pichetti. Mais pour que ces mesures permettent de réelles économies, le chercheur préconise certaines mesures d'accompagnement : "il faudrait accompagner chaque vague de déremboursement de guides de bonnes pratiques à destination des médecins mais aussi des patients pour les informer, car parfois certaines règles hygiéno-diététiques simples se révèlent plus efficaces que la molécule déremboursée".
Le gouvernement lui-même semble désormais reconnaître les effets pervers des déremboursements de médicaments. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a affirmé fin septembre 2011 que "le déremboursement ne crée pas d'économies".
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