Les hormones ont une mémoire !
On connaissait la mémoire du cerveau, également celle du système immunitaire, qui conserve certaines informations pour réagir plus efficacement lorsqu'un virus ou une bactérie nous infecte une deuxième fois. Désormais on pourra aussi parler de la mémoire de nos hormones. Une équipe de l'Inserm et du CNRS vient de mettre en évidence une forme de mémoire du système endocrinien.
Chez les souris, comme chez les êtres humains, les cellules endocrines de l'hypophyse régulent l'allaitement par la production de prolactine (l'hormone de la lactation). Lors d'un premier allaitement, ces cellules s'organisent en réseau. L'équipe de chercheurs dirigée par Patrice Mollard à l'Institut de génomique fonctionnelle (Montpellier), a découvert autre chose : ce réseau est conservé, comme mis en mémoire, pour être encore plus opérationnel lors d'un deuxième allaitement. C'est la première fois qu'une mémoire endocrinienne est mise en évidence. Ces travaux ont d'ailleurs fait l'objet d'un article publié dans la revue Nature Communications le 3 janvier 2012.
En dehors du cerveau et du système immunitaire, rien n'indiquait que d'autres cellules pouvaient avoir une mémoire. L'hypophyse est un organe qui constitue un modèle idéal pour vérifier cette hypothèse car elle comprend des populations distinctes de cellules endocrines organisées en réseaux et qui régulent une multitude de fonctions physiologiques par la sécrétion de différentes hormones.
La production de prolactine, et donc de lait maternel chez la souris, est stimulée par la levée d'un signal provenant du cerveau (signal dopaminergique) et d'autre part, par le stimulus de la tétée. Avant l'allaitement, les cellules répondent à la lactation en augmentant la communication intercellulaire dans le réseau. Par la suite, comme l'explique Patrice Mollard, "un même stimulus (tétée) entraînera une réponse plus coordonnée et plus efficace. Le réseau sécrétera plus de prolactine et provoquera à nouveau un accroissement de la production tissulaire".
L'étude indique toutefois que la mise en réseau ne se fait pas si le stimulus de la tétée n'est pas assez puissant. Chez les souris dont les portées sont souvent importantes (huit petits en moyenne), si seulement trois souriceaux sont mis à la tétée, le stimulus n'est pas assez fort pour déclencher cette mise en réseau.
D'après Patrice Mollard, cette découverte ouvre un champ de possibilités dans la recherche : "Ca nous permet de comprendre comment les hormones contrôlent certains événements inattendus. On veut maintenant s'attacher à découvrir par quelles voies cette mise en mémoire s'effectue. Ca peut nous permettre à terme de mieux comprendre le fonctionnement des hormones et leur influence dans l'apparition de tumeurs cancéreuses".