Les variations de poids influent sur le risque de fracture
Une importante variation du poids corporel chez la femme ménopausée serait associée à un risque accru de fracture dans les décennies suivantes, selon une étude portant sur 120.566 femmes suivies depuis le début des années 1990. Ce constat serait valide qu'il s'agisse de perte ou de prise de poids, et que celle-ci soit intentionnelle ou non. Pour détailler les résultats de cette étude publiée dans le BMJ, le Dr Thomas Funck-Brentano, rhumatologue à l'hôpital Lariboisière à Paris, sera l'invité du Magazine de la Santé ce 29 janvier.
Plusieurs études épidémiologiques réalisées ces dernières années ont révélé qu'une perte de poids après la ménopause était associée à un risque accru de fracture dans les décennies suivantes. L'hypothèse d'un effet protecteur de la prise de poids a été avancée, sans toutefois être confirmée.
Des chercheurs nord-américains ont analysé les dossiers de 120.566 femmes, recrutées au milieu des années 1990 dans le cadre du programme de suivi Women' Health Initiative. Les variations de poids trois ans après l'inclusion dans le programme ont été dûment recensées. Les personnes ayant pris ou perdu moins 5% de leur poids sur cette période ont été considérées comme ayant un poids "stable", ce seuil les distinguant des femmes "ayant pris du poids" et de celles "ayant perdu du poids".
Les chercheurs ont ensuite cherché à savoir s'il existait une corrélation entre une appartenance à l'un ou l'autre groupe et la survenue d'une fracture dans la décennie suivante. Les chercheurs ont ajusté les résultats statistiques en prenant en compte de nombreux paramètres pouvant également influer sur la survenue de fracture (âge, tabagisme, consommation d'alcool, activité physique, taux de vitamine D, cas de fracture antérieure, IMC total, etc.)
Perte de poids et risque de fracture
La synthèse des données montre, au regard du groupe témoin (de poids stable), que les femmes ayant eu une perte significative de poids, sur trois ans, passé la cinquantaine, ont une probabilité significativement accrue à dix ans d'avoir une fracture des membres supérieurs(1) (estimée entre +3% et +16%) et de la partie centrale du corps(2) (+22% à +39% ; l'augmentation du risque propre aux seules hanches est estimée entre +49% et +82%).
De façon notable, aucune variation significative du risque de fracture des membres inférieurs(3) n'a été constatée. A noter que plus la prise de poids est importante, plus le risque de fracture est augmenté (par exemple, pour les femmes ayant perdu plus de 10% de leur poids en 3 ans, le risque de fracture de la hanche à 10 ans est estimé entre +61% et +117%).
Toutefois, les conditions dans lesquelles le poids est perdu (perte intentionnelle ou non) sont très importantes, et influent très fortement sur ces résultats.
Comparée au groupe témoin, une perte intentionnelle de poids de 2.2 kg ou plus sur deux ans, est associée à un risque accru (estimé entre +5% et +17%) de fracture des membres inférieurs, mais à une diminution du risque de fractures de la partie centrale du corps (-1% à -12% ; hanche seule : -5% à -24%)(4).
Prise de poids : d'autres sites de fracture
Concernant les femmes ayant pris du poids, le constat est quelque peu différent. Celles-ci ont également un risque accru de fracture des membres supérieurs (estimé entre +4% et +17%), mais également des membres inférieurs (+12% à +25%). Les variations du risque d'un os de la partie centrale du corps ne sont pas significatives. Contrairement à ce qui a été établi pour la perte de poids, des prises de poids particulièrement importantes ne sont pas associées à un sur-risque (par rapport à une prise de poids modérée).
"Ces résultats [contestent] le paradigme clinique traditionnel selon lequel une prise de poids protège contre les fractures", soulignent les chercheurs. Ils notent par ailleurs que les professionnels de santé doivent prendre conscience que, "même si elle est intentionnelle, une perte de poids est associée à des taux accrus de fractures des membres inférieurs."
Les mécanismes précis par lesquels des variations de poids de nature différente augmenteraient les risques de fractures sur des sites spécifiques ne sont pas détaillés par les chercheurs.
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(1) Os du bras, épaule, coude, poignet, ou main (doigts exceptés).
(2) Hanche, bassin ou colonne vertébrale.
(3) Os de la jambe (hanche exceptée), genou, rotule, cheville ou pied (orteils exceptés).
(4) Comparativement au reste de la cohorte, les femmes ayant perdu 2,2 kg ou plus en deux de façon involontaire apparaissent avoir un risque augmenté de 6% à 26% supérieur de fracture des membres supérieurs, de 13% à 29% de fracture dans la partie centrale du corps (+19% à +47% pour la seule hanche).