Mise en quarantaine : éviter la contagion
La mise en quarantaine a largement été pratiquée en Europe jusqu'à la fin du XIXe siècle pour éviter la propagation des épidémies. Elle est revenue dans l'actualité avec l'épidémie d'Ebola que ce soit pour les humanitaires de retour de mission ou pour des villages entiers en Afrique de l'Ouest. Alors que la Sierra Leone a levé l'ensemble des mesures d'isolement des personnes ayant été en contact avec des malades, petit retour sur la naissance de la quarantaine, et les transformations que cet isolement forcé a subi au fil du temps.
1346, la peste noire décime l'Europe. Des galères venues d'Orient ramènent le fléau dans les grands ports. De là, le mal se propage. Il fait plus de 25 millions de victimes, soit plus d'un tiers de la population du Vieux Continent. Dans les ports, le besoin de se protéger des personnes infectées ou de celles qui le sont peut-être devient vital.
Raguse, Gênes, Marseille... Toutes les républiques maritimes prennent des mesures pour isoler les populations en provenance de zones infectées. Trente jours à attendre que la maladie se déclare ou non, puis quarante. La quarantaine se fait d'abord dans des îlots à proximité des ports, puis dans des bâtiments appelés lazarets, destinés spécifiquement à l'isolement des personnes provenant de zones suspectes.
"Dans un lazaret, on séparait les gens selon leur état de santé. Certains à l'article de la mort allaient dans certaines chambres, d'autres, en bonne santé, allaient dans d'autres pièces. Bien évidemment tout cela était très approximatif et donc un séjour au lazaret vous donnait d'excellentes chances d'attraper la maladie si elle était présente", explique Patrick Zylberman, professeur d'histoire de la santé.
En paralysant l'économie, la quarantaine suscite la grogne grandissante des voyageurs et des commerçants. Et dans les terres où des villes entières sont bouclées par l'armée, des émeutes éclatent et des personnes contaminées réussissent à s'enfuir. La quarantaine est mise à mal, et courant XIXe siècle, elle est progressivement restreinte.
"Il s'agit d'un demi échec", raconte le Pr Patrick Berche, virologue. "La quarantaine va pas arrêter les épidémies. Elle va ralentir la propagation mais en aucun cas elle va l'arrêter de façon totale. Ce qui a vraiment changé les choses, c'est Pasteur et les découvertes de Pasteur. On sait qu'il y a des porteurs sains, on isole le germe et on sait quelles sont les personnes infectées et celles qui ne le sont pas. Cela exonère de la quarantaine".
Grâce aux progrès de la médecine et à la découverte des vaccins, la quarantaine va progressivement se transformer en isolement du patient. Mais elle n'est pas abandonnée pour autant. La dernière quarantaine française remonte d'ailleurs au mois de janvier 1955 lorsque plusieurs cas de variole ont été détectés dans la ville de Vannes en Bretagne. Plus récemment, l'émergence d'agents infectieux jusqu'ici inconnus pousse les états touchés à revenir à des mesures de quarantaine plus ou moins volontaires.
En 2003, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) se propage en Asie et au Canada. La quarantaine est alors imposée pendant dix jours à des milliers d'habitants. Plus récemment, ce sont des villages entiers qui ont été mis en quarantaine en Afrique de l'Ouest pour lutter contre le virus Ebola. Des mesures qui se veulent rassurantes mais qui sont avant tout politiques comme le confirme Patrick Zylberman : "Le confinement au Sierra Leone pendant trois jours est une forme parmi d'autres de la quarantaine avec une efficacité quasi nulle mais il faut que le gouvernement montre qu'il fait quelque chose".
Si le terme de quarantaine est resté, aujourd'hui le principe s'est nettement assoupli notamment grâce à une meilleure connaissance des modes de contamination. Dans le cas d'Ebola, la quarantaine est inutile puisque les personnes atteintes ne sont contagieuses qu'à partir du moment où elles ont développé les symptômes.