Premières cellules souches humaines obtenues par clonage
Le clonage thérapeutique consiste à obtenir des cellules souches à partir d'un individu, pour ensuite les transformer en neurones, cellules de muscles ou de cœur et potentiellement traiter de nombreuses maladies. Mais depuis plus de 15 ans, toutes les tentatives ont échoué chez l'homme. Or une équipe américaine vient enfin de parvenir à cet exploit en obtenant des cellules souches dites embryonnaires par clonage à partir de donneurs humains. Ces travaux viennent d'être publiés dans la prestigieuse revue Cell.
C'est un véritable exploit auquel plus personne ne croyait qui a été réalisé par l’équipe de Shoukrat Mitalipov à l’université de l’Oregon. Le clonage est toujours une technique très empirique, et dans cette quête du Graal, chaque laboratoire a développé son propre protocole. L’équipe américaine a ainsi utilisé une technique très originale, avec des ingrédients inattendus tels que la caféine ! Et non seulement les chercheurs ont réussi leur clonage, mais avec une efficacité impressionnante. Dans plus de 50% des cas, ils ont obtenu des cellules souches embryonnaires capables de se multiplier et d’être maintenues en culture en laboratoire.
Mais qu'ont ils fait exactement ? D’abord ils ont utilisé le principe de base du clonage : prendre une cellule d’un donneur, par exemple une cellule de peau, puis faire rentrer le noyau de cette cellule (qui contient l'ADN, le patrimoine génétique) dans un ovule dont on a préalablement retiré le noyau, de façon à ce que 100% de l’ADN vient du donneur initial et qu’on puisse obtenir un vrai clone. Pour cette étape, les chercheurs ont utilisé un virus et une solution de caféine qui ont conduit les deux cellules – celle de peau et l’ovule - à fusionner, puis à se diviser, comme le ferait n’importe quel embryon dans les premières heures qui suivent une fécondation. Les cellules alors obtenues s’appellent des cellules souches.
Contourner un problème éthique
Les cellules souches sont des cellules très particulières qui ont l’extraordinaire faculté de pouvoir être transformées en d’autres types de cellules. Il existe plusieurs types de cellules souches, présentes à tous les stades de la vie mais avec des capacités de transformation très différentes. Et les cellules souches les plus efficaces se trouvent chez l’embryon, dans les tous premiers stades de son développement. Mais obtenir des embryons pour y prélever ces cellules souches embryonnaires pose d’importants problèmes éthiques, d’où l’intérêt de la technique du clonage utilisée par l’équipe américaine.
Restait tout de même à tester la capacité de ces cellules souches à se transformer en d’autres types cellulaires. Les scientifiques ont donc prélevé sur cet embryon cloné quelques cellules et en les cultivant dans un milieu adapté, ils ont été capables de les transformer en cellules cardiaques qui se sont mis à battre spontanément.
Un clonage thérapeutique
Tout le monde se souvient de la naissance de la première brebis clonée, Dolly, en 1996. On l’a oublié, mais l’objectif des scientifiques dans ce domaine n’a jamais seulement été de reproduire à l’identique des animaux. Le clonage pourrait aussi être une source précieuse de cellules souches parfaitement identiques génétiquement au donneur de la cellule clonée : l’outil parfait pour réparer des organes endommagés. Mais si le passage à la pratique fut possible chez de nombreuses espèces (souris, lapin, vache, chien…), les chercheurs se cassent les dents depuis plus de 15 ans sur l’application de cette technique chez l’humain.
Les cellules iPS : les grandes rivales du clonage
Si la réussite de ce type de clonage est un exploit, il faut savoir que la plupart des laboratoires avaient abandonné cette technique, car entre temps une nouvelle technologie permettant d’obtenir des cellules souches est apparue. Elle a été mise au point par le Pr Shinya Yamanaka de l’université de Kyoto, ce qui lui a valu le prix Nobel de médecine 2012. Ces cellules souches baptisées iPS (induced Pluripotent Stem cells) peuvent elles aussi être obtenues à partir de n’importe quel type de cellule donneuse, comme une cellule de peau. Sauf que la recette est beaucoup plus simple. Grâce à un "cocktail de gènes" savamment choisis et déposés sur la cellule de peau, celle-ci va en quelque sorte remonter le temps et redevenir une cellule souche. Cette nouvelle cellule iPS pourra ensuite être transformée pour donner des cellules du foie, du cœur ou des neurones.
Sur le papier, les cellules iPS et les cellules souches embryonnaires issues de ce clonage chez l’humain semblent donc se valoir. Mais seules les expériences à venir permettront de trancher. L’équipe de Shoukhrat Mitalipov affirme que les cellules souches qu’ils ont obtenues sont plus proches des cellules souches embryonnaires naturelles et qu’elles seraient donc plus efficaces en médecine régénératrice que les cellules iPS.
Mais il restera à le prouver, car ni les unes ni les autres n’ont encore fait leur preuve en clinique. Le premier essai clinique chez l’homme utilisant les cellules iPS devrait démarrer dans l’année au Japon, pour lutter contre une maladie de la rétine. Quand aux cellules embryonnaires issues de ce clonage, elles devront passer par tous les stades de tests in vitro puis chez l’animal pour s’assurer non seulement de leur efficacité mais aussi de l’absence de danger.
La peur du clonage humain
L’annonce de l’obtention de ces cellules souches embryonnaires par clonage chez l’humain a suscité beaucoup d’enthousiasme, mais aussi beaucoup de craintes. En effet, si le but des chercheurs est très clairement le clonage à visée thérapeutique, il est vrai que les étapes techniques initiales sont les mêmes que celles qui parviendraient en théorie à l’obtention d’un clone humain. Mais il faudrait pour cela que les cellules embryonnaires soient cultivées jusqu’à un stade suffisant puis implantées dans l’utérus d’une femme, ce qui est formellement interdit par la loi.
Toutefois l’aspect législatif n’est pas le seul frein, Masahito Tachibana, l’auteur de l’article et collaborateur de Shoukhrat Mitalipov, affirme que les cellules qu’ils ont obtenues sont fragiles, et qu’elles ne pourraient pas se développer jusqu’au stade d’un individu complet. Une publication à venir de la même équipe devrait expliquer en détails pourquoi. Affaire à suivre donc.
Source : Cell, Human Embryonic Stem Cells Derived by Somatic Cell Nuclear Transfer, Masahito Tachibana et al, 15 mai 2013
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