Risques cardio-vasculaires : prendre la tension aux deux bras ?
Une équipe anglaise a rassemblé les résultats d'un grand nombre d'études pour prouver qu'une différence de tension entre les deux bras était un bon indice de risque d'événements cardio-vasculaires graves. Une conclusion fragilisée par la diverse qualité de leurs sources. Mais une bonne occasion de rappeler les clefs de la prévention dans ce domaine.
Votre médecin ne prendra sans doute pas systématiquement votre tension ou plus médicalement parlant, votre pression artérielle, à chaque bras dès demain suite à la publication d'un article sur ce sujet dans The Lancet. Telle était l'idée a priori séduisante d'une équipe anglaise de l'Université d'Exeter qui affirme, en rassemblant les résultats de 28 études sur le sujet, qu'une différence de tension entre le bras gauche et le bras droit peut prédire une maladie artérielle dite périphérique ou même un sur-risque de mortalité… Mais l'ensemble laisse très dubitatif le Pr. Jean-Jacques Mourad, président du Comité français de lutte contre l'hypertension artérielle : "une partie de leurs résultats est à la fois sans surprise et peu pertinente dans ses traductions pratiques, l'autre est à mes yeux douteuse en raison de la faible qualité de certaines études utilisées."
50 % des patients n'ont longtemps aucun symptôme
Ce qui ne le surprend pas, c'est le lien entre une tension différente pour chaque bras et l'atteinte des artères périphériques, c'est-à-dire qui partent du cœur vers les bras et les jambes par exemple. Il n'est en effet pas trop difficile d'imaginer qu'une plus faible pression artérielle au bras droit peut traduire un flux sanguin réduit par le rétrécissement de l'artère qui l'irrigue ! Le hic, c'est qu'il est difficile de traduire cette "découverte" dans la réalité. "Pour être sûr de ne pas avoir une variation liée au stress du patient entre chaque mesure, il faudrait les prendre en même temps sur les deux bras, note le Pr. Mourad. Ce que les médecins généralistes n'ont actuellement pas les moyens de faire !"
Et justement, ce spécialiste des maladies des vaisseaux y voit l'origine du biais majeur dans le reste des conclusions anglaises : la plupart des mesures n'ont pas été faites simultanément. Du coup, le tout petit nombre d'études bien réalisées ne permet pas de déduire que les patients avec deux tensions assez différentes ont un sur-risque de mortalité. Inutile donc d'équiper en urgence tous les cabinets de généralistes de supers appareils pour les deux bras.
Il suffirait de prendre le pouls à la cheville
De toute façon, les outils d'une meilleure prévention existent déjà. Et ils sont extrêmement simples. "Il suffirait de prendre le pouls à la cheville de tous les patients qui présentent un facteur de risque comme le tabagisme pour mieux dépister les maladies artérielles au niveau des jambes, poursuit le Pr. Jean-Jacques Mourad. Malheureusement, c'est loin d'être toujours fait dans une consultation de médecine générale qui dure en moyenne douze minutes !" Il reste donc un long chemin à parcourir avant le respect des recommandations actuelles : une véritable mesure de la pression artérielle à la cheville qui exige un outil doppler dont la facture s'élève autour de 400 euros.
L'enjeu est de taille. La moitié des patients concernés par ces atteintes des jambes, beaucoup moins connues que celles du cœur, n'ont aucun symptôme. Cela représente pourtant un facteur de risque d'événement grave aussi élevé qu'un antécédent d'infarctus du myocarde par exemple. Il faut alors arrêter de fumer, faire plus d'exercices physiques et prendre les traitements qui s'imposent sans attendre… à condition d'être dépisté !
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