Soins intensifs : ''Diagnostiquer précocément le risque de démence''
Les déficits cognitifs manifestés par les patients en soins intensifs seraient proches de ceux observés après un traumatisme crânien ou une maladie d'Alzheimer débutante. C'est la conclusion d'une étude publiée par le New England Journal of Medicine. Le professeur Jean Mantz, chef de service d'anesthésie réanimation de l'hôpital Beaujon à Paris, a accepté de faire le point sur ce phénomène peu reconnu par la médecine.
- Que pensez-vous des résultats de cette étude ?
Pr Jean Mantz : "L'étude publiée dans le New England Journal of Medicine est intéressante à deux titres. D'abord, elle confirme l'importance de la fréquence du delirium qui touche environ 70% des patients en réanimation. Puis, elle établit un lien direct entre cette pathologie manifestée pendant le séjour en réanimation et un déficit des capacités psychomotrices à distance de la réanimation qui représente un véritable handicap dans la vie quotidienne des personnes âgées."
- Quels sont les signes des premiers symptômes qui doivent alerter ?
Pr Jean Mantz : "Il est important d'établir le diagnostic du delirium. La pensée désorganisée, l'inattention ou encore les troubles de conscience sont les éléments clés du diagnostic. Ils peuvent être évalués chez le sujet intubé qui ne peut pas parler, mais qui est en mesure de communiquer ses besoins, notamment sa douleur.
"Les déficits cognitifs sont diagnostiqués à distance de l'hospitalisation en réanimation, et peuvent persister quelques mois, voire une année après. Le delirium pendant le séjour en réanimation est un facteur prédictif d'éventuels troubles cognitifs. Pour mieux les prévenir, il est important de mener un effort de sensibilisation auprès du personnel médical. Plus le diagnostic de delirium en réanimation est précoce, mieux il sera pris en charge et meilleur sera le pronostic des patients."
- Existe-t-il une prise en charge pour ces patients ?
Pr Jean Mantz : "Elle existe, mais elle n'est pas pas généralisée dans la pratique médicale. La prévention consiste à identifier les patients particulièrement à risque de développer un delirium et des troubles cognitifs.
"On peut proposer à ces patients une expertise gériatrique, des programmes de réhabilitation favorisant l'activité cérébrale et un suivi à domicile.
"Les bonnes pratiques de la sédation visent à assurer un sommeil artificiel le plus léger possible et à traiter la douleur. Ces pratiques sont efficaces pour réduire la fréquence de survenue du delirium et donc améliorer et traiter les déficits cognitifs à distance de la réanimation."
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Sur Allodocteurs.fr :
Le delirium est une confusion qui atteint de manière aiguë et globale les fonctions mentales. Le trouble se manifeste par une pensée désorganisée ou de l'inattention. Les personnes âgées en sont les premières victimes, mais cette pathologie touche également les sujets jeunes au cours de leur hospitalisation en réanimation. Ce syndrome est peu reconnu par la médecine.
Selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, sur 821 patients souffrant d'un insuffisance cardiaque ou une infection, 74% d'entre eux développent des épisodes de troubles cognitifs à distance de la réanimation après avoir eu un delirium au cours de leur hospitalisation.