Un test pour prédire votre risque de décès à 5 ans
ETUDE - La présence de quatre marqueurs biologiques dans le sang d'une personne en apparente bonne santé serait associée à un risque de mortalité à cinq ans très significativement accru, selon les travaux de chercheurs estoniens corroborés par une équipe finlandaise.
Dans un groupe de personne en bonne santé, tous n'ont pas la même probabilité de développer, à court ou moyen terme, une pathologie. Ainsi, tous âges confondus, la probabilité de décéder dans les cinq ans d'une maladie cardiovasculaire est en moyenne 50% plus élevée chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Si la probabilité de décès dans la population générale est faible, cette augmentation du risque peu sembler peu significatif. Mais il est possible de cumuler les différents "facteurs de risque" et d'accroître significativement cette probabilité...
A l'échelle du corps humain, la présence de marqueurs biologiques (voir encadré) permet, également, de faire des pronostics sur notre santé à court, moyen ou long terme. Les plus médiatisés étant les transporteurs du cholestérol, dont les taux sont corrélés au développement de certaines pathologies.
9.842 prélèvements sanguins
Au milieu des années 2000, une équipe estonienne a initié un programme d'étude destiné à déterminer si la présence de certains composés dans le sang était associée, chez des sujets apparemment sains, à un risque à court terme de développer une pathologie mortelle.
Des prélèvements sanguins ont ainsi été effectués chez 9.842 adultes de tous âges, dont le dossier a été ouvert de nouveau après un peu plus de cinq ans en moyenne. Une analyse informatique a ensuite été réalisée pour déterminer si la présence initiale d'un ou plusieurs marqueurs biologiques préalablement identifiés (parmi 106) distinguait les patients décédés de ceux encore en vie.
A la stupeur des chercheurs estoniens, la présence conjointe de seulement quatre marqueurs apparaissait associée à un risque très significativement accru de décès. En effet, près de 20% des patients présentant des taux anormaux de ces quatre composés à la date du prélèvement sanguin étaient décédés.
Quatre bio-marqueurs
Les quatre bio-marqueurs identifiés par l’équipe estonienne étaient l’albumine, le citrate, une protéine de la famille des glycoprotéines (la glycoprotéine alpha-1-acide) et, enfin, certaines lipoprotéines de très faible densité (LTFD) liées au fonctionnement des reins et du foie.
Les personnes présentant un faible taux du premier bio-marqueur, un fort taux des deux suivants et une taille faible du dernier, ont 19 fois plus de risques que les autres de décéder dans les cinq ans, selon les chercheurs.
De façon surprenante, ce pronostic ne concerne pas une cause de décès particulière : le risque accru de décès est autant associé à l’apparition d’un cancer que d’une maladie cardiovasculaire ou d’un autre type de pathologie.
Un outil de prévention ?
Afin de valider ces très surprenants résultats, les chercheurs estoniens ont demandé à une équipe indépendante, basée en Finlande, d’effectuer une évaluation similaire, sur la base d'échantillons sanguins à leur disposition.
L'analyse de 7.503 nouveaux prélèvements a abouti à des conclusions très similaires aux travaux estoniens, permettant d’affiner l’estimation du taux de corrélation entre la présence des quatre marqueurs et le risque de décès à cinq ans.
"Le fait que ces bio-marqueurs soient à la fois associés à la mortalité cardiovasculaire, non-vasculaire et par cancer suggèrent qu’il existe des liens plus profonds, jusqu'ici non-identifiés, entre des conditions apparemment disparates", observent les chercheurs dans leur étude, publiée le 25 février 2014 dans la revue PLOS Medicine.
Pour les auteurs, identifier de façon précoce les personnes présentant un risque élevé de décès à court terme pourrait permettre de cibler certaines thérapies préventives.
Des questions éthiques
"Si ces résultats sont bien reproductibles, ce test a de grandes chances de se développer", souligne le professeur Perola, co-auteur des travaux, dans un communiqué. Le seul frein à l'utilisation d'un tel test seraient, à ses yeux, d'ordre éthique : "souhaiteriez-vous savoir que vous avez un risque de décès accru, si vous ne pouvez rien faire pour modifier ce fait ?"
Les chercheurs cherchent désormais à identifier les corrélations existantes entre le taux de ces marqueurs (ou la taille, pour les LTFD) et le développement ultérieur de différentes maladies.
Source : Biomarker Profiling by Nuclear Magnetic Resonance Spectroscopy for the Prediction of All-Cause Mortality: An Observational Study of 17,345 Persons. K. Fischer, J. Kettunen, P. Würtz et coll. PLOS Medicine. 25 fev. 2014 doi: 10.1371/journal.pmed.1001606
Les taux de certaines molécules circulant dans le sang peuvent être associés à un risque accru d'apparition d'une pathologie.
Certaines recherches suggèrent, par exemple, qu'une concentration très élevée des protéines assurant le transport du cholestérol serait correlée, à moyen terme, à un risque accru d'apparition d'une maladie cardiovasculaire.
Ces marqueurs biologiques peuvent être un élément de la chaîne des causes qui conduisent à la maladie, ou bien être des "témoins" passifs d'une pathologie en développement (réaction immunitaire, composés sécrétés par des organes malades, etc.).