Soins dentaires : faut-il se rendre à l'étranger ?
De plus en plus de Français décident de se faire soigner à l'étranger, notamment pour leurs soins dentaires. Leur principale motivation est de faire des économies sur des soins trop chers, peu ou pas remboursés. Quelle est la prise en charge ? Est-ce un moyen de réduire la facture sans négliger la qualité des soins ? Les explications avec Maroussia Renard, chroniqueuse spécialisée en économie.
La question est encore assez taboue pour les Français parce que notre pays a une place à part dans le marché mondial du tourisme médical qui est en pleine croissance. On a une offre de soins de très bonne qualité, l'hospitalisation est très bien prise en charge et donc a priori, aucune raison de traverser les frontières pour se faire soigner…
Rien à voir avec la situation des Américains qui sont très nombreux à aller se faire opérer du coeur en Thaïlande ou en Inde, faute de pouvoir débourser des milliers de dollars pour se payer ces interventions dans leur pays. Ou encore les Britanniques poussés vers l'étranger à cause des listes d'attente interminables dans leurs hôpitaux.
Le tourisme dentaire explose
Il y a des soins pour lesquels les Français partent de plus en plus à l'étranger, ce sont les soins dentaires. Il y a aussi la chirurgie esthétique sous le soleil de Tunisie, mais la problématique est très différente, et cela relève davantage de soins de confort.
Le tourisme dentaire concerne de plus en plus de patients. En 2013 (derniers chiffres disponibles), plus de 21.000 Français ont reçu des soins dentaires à l'étranger. Principalement dans trois pays européens : Hongrie, Espagne et Portugal. Evidemment, on ne prend pas l'avion pour une carie. Ce qui peut justifier le déplacement, ce sont les prothèses très mal remboursées en France ou les implants, pas pris en charge du tout par la Sécu. Or à l'étranger, ces soins coûtent jusqu'à trois fois moins cher.
Si on prend l'exemple de la Hongrie, pour un implant dentaire complet (+ couronne), vous paierez entre 800 et 1.000 euros contre 2.000 euros en moyenne en France. Cela s'explique par le coût des loyers, des charges et du matériel, beaucoup moins élevé qu'en France.
Peut-on bénéficier d'une prise en charge de la Sécu ?
La prise en charge dépend du pays. Hors Union européenne, la réponse est non : seuls les soins urgents sont remboursés et donc pas les prothèses dentaires programmées. En revanche, au sein de l'Union, un texte a complètement changé la donne et simplifié la vie des patients. Il s'agit d'une directive de 2011 qui a été transposée dans le droit français en octobre 2013. Ce texte dit clairement que n'importe quel citoyen européen qui décide de se faire soigner dans un autre pays membre sera remboursé à son retour, au même tarif que s'il avait reçu ces soins dans son pays d'origine.
La seule restriction : les soins doivent faire partie des prestations auxquelles l'assuré a droit dans son pays. Donc si vous vous faites poser une couronne ailleurs en Europe, vous serez remboursé par la Sécu française. En revanche, pour les implants, il n'y a aucune prise en charge, à part celle de votre mutuelle si vous en avez une.
Quelles sont les démarches à effectuer ?
Les démarches sont étonnamment simples. Hormis pour les traitements d'orthodontie, il n'y a aucune autorisation préalable à demander à la Sécu. La seule chose à faire avant de partir est de vous procurer une carte, la carte européenne d'Assurance maladie. Il faut la demander au moins quinze jours avant votre départ, soit directement sur Internet ou alors en vous rendant dans n'importe quel centre de l'Assurance maladie.
Vous n'avez aucun papier à fournir, cette carte vous permettra dans certains cas de ne pas avancer les frais. En revanche, pensez à conserver précieusement toutes les radios, les comptes rendus et factures. Il faudra tout envoyer à votre caisse d'Assurance maladie à votre retour pour pouvoir être remboursé.
Les soins à l'étranger sont-ils de qualité ?
Dès que vous tapez "tourisme dentaire" sur Internet, vous tombez sur plusieurs sociétés qui se sont spécialisées dans ce secteur en nouant des partenariats avec des cliniques dentaires à Barcelone ou Budapest. Elles mettent toutes en avant la sécurité des patients à grand renfort de chartes et autres garanties qualité… Il faut savoir que cela n'a aucune valeur : en France, il n'y a aucune instance privée ou publique habilitée à accréditer un établissement étranger. Cela ne veut pas dire pour autant que vous serez mal soigné mais de manière générale, choisissez plutôt une grosse structure qui a pignon sur rue.
On peut être rassurant sur la compétence des dentistes. Il y a des bons et mauvais dentistes partout mais pas plus qu'en France… D'ailleurs, un tiers des nouveaux dentistes qui s'installent dans notre pays ont été formés à l'étranger, et pour beaucoup en Espagne ou dans les pays de l'Est.
Quelles sont les garanties en cas de complications ?
La question des garanties est la plus épineuse et elle fâche beaucoup les syndicats de dentistes français. En clair, si vous vous faites poser un implant en Hongrie et que quelques mois après, vous avez une complication (mauvaise intégration à l'os par exemple), il sera très difficile de trouver un dentiste qui accepte de vous soigner en France, sauf urgence absolue.
La raison, c'est qu'une intervention réalisée en France engage la responsabilité civile du dentiste et il ne prendra pas le risque d'un recours éventuel du patient alors qu'il ne sait pas exactement dans quelles conditions la prothèse a été posée au départ. Résultat : vous serez sans doute obligé de reprendre l'avion pour régler le problème. Et dans ce cas, ce n'est plus forcément rentable. Il peut y avoir des assurances qui couvrent le coût des reprises de soins mais pas forcément le billet d'avion et l'hôtel… Au bout de trois voyages, cela commence à faire cher.
Si vous voulez des renseignements sur toutes ces questions, sachez que chaque pays européen a désormais un point de contact pour vous informer sur les soins, les démarches… Vous trouverez toutes les adresses sur le site du Centre des liaisons euuropéennes et internationales de sécurité sociale.