Climat : "Entre 300.000 et 400.000 décès supplémentaires liés au réchauffement climatique"
Plus de 50 chefs d'Etat et de gouvernement sont attendus mardi 12 décembre au sommet climat organisé à Boulogne-Billancourt, près de Paris. Objectif : relancer la mobilisation contre le réchauffement climatique après la décision des Etats-Unis de se retirer de l'accord de Paris sur le climat, adopté en 2015.
"Nous, citoyens d’Europe et citoyens du monde associés dans une même communauté de destins, n’acceptons pas que l’humanité se dirige, sans réagir, vers le chaos climatique". Le texte publié dans Le Monde et initié par l'économiste Pierre Larrouturou et le climatologue Jean Jouzel en marge de la publication de leur livre "Pour éviter un chaos climatique et financier", dresse un bilan sévère de l'action publique contre le réchauffement climatique. Soutenus par un collectif de personnalités du monde économique, scientifique ou politique, ils lancent un appel pour un "pacte finance-climat européen" qui réclame notamment un impôt européen sur les bénéfices pour financer la transition énergétique. Entretien avec Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).
- Qu'attendez-vous de ce sommet ?
J. Jouzel : "Si on veut lutter de façon efficace contre le réchauffement climatique, il faut y mettre les moyens. Il faut aussi y mettre beaucoup d’intelligence, beaucoup de volonté politique. Si on veut réussir, il faudrait que tous les investissements d’aujourd’hui s’inscrivent dans une dynamique de lutte contre le réchauffement climatique. Ce chiffre de mille milliards d’euros pour le climat ne vient pas que de nous. La Cour Européenne vient de citer un chiffre plus élevé. On parle de mille milliards d’euros pour l’Europe chaque année qui seraient nécessaires sur ses aspects de lutte contre le réchauffement climatique. Mais ce sont des investissements très créateurs d’emploi également."
- Quels sont les principaux effets du réchauffement climatique sur la santé ?
J. Jouzel : "Il y a par exemple la malnutrition. Certaines régions, d’Afrique notamment, sont très tributaires des ressources alimentaires qui ne sont pas là souvent à cause d’événements météorologiques. Cette situation, par exemple moins de précipitations sur le Nord de l’Afrique, risque de s’accentuer dans un contexte de réchauffement climatique. Les vagues de chaleur, les canicules à répétition sont vraiment des problèmes. Il est aussi plus difficile de faire face à la pollution en cas de canicules."
- A-t-on déjà évalué le nombre de décès liés aujourd'hui à ce réchauffement climatique ?
J. Jouzel : "Actuellement, on parle entre 300 et 400.000 décès supplémentaires liés à ce réchauffement climatique. Ce chiffre risque de s’accentuer. Actuellement, une personne sur trois sur cette planète doit faire face à des canicules. Bientôt, dans un cadre de réchauffement climatique, on pourra avoir trois personnes sur quatre. En Europe, il n’y a que 5% des personnes qui doivent faire face à ces vagues de chaleur. Mais, ce sont quasiment les deux tiers des Européens qui devraient y faire face dans le cadre du réchauffement climatique. On rentre dans un autre monde en terme de santé. Il y a aussi des maladies à transmission bactérienne, des maladies mentales et des conflits qui pourraient avoir une influence sur la santé des populations."
- Pourquoi le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris est-il préoccupant ?
J. Jouzel : "Le succès de l’accord de Paris est d’être un accord universel. Tous les pays l'ont signé. Le retrait des Etats-Unis met à mal ce caractère universel. Mais, surtout, il faut que l’ambition de cet accord soit relevée. Les engagements des pays ne sont actuellement pas à la hauteur de l’objectif 2°C. On imagine la difficulté qu’auront les Nations Unies à entrainer les autres pays si le deuxième pays émetteur, les Etats-Unis, ne sont plus dans l’accord. Donc ça sera extrêmement difficile. Lutter contre le réchauffement climatique demande une solidarité internationale sans faille. Donald Trump a rompu cette solidarité qui s’était mise en place après l’accord de Paris."