Le plastique, grand gagnant de l'épidémie ?
Pendant la crise, les produits à usage unique en matière plastique ont fait leur grand retour pour des raisons évidentes d’hygiène. Quelles sont les conséquences sur l’environnement ?
Le plastique envahit les mers, jusqu’aux abysses, il est plein de perturbateurs endocriniens et nous en avalons sous forme de nanoparticules sans le savoir.
Nous en avons beaucoup utilisé durant la crise : emballages alimentaires, charlottes, surblouses, gants, masques... Ce n’est pas cher, pratique, surtout en cas de risque épidémique. L’hygiène passe beaucoup par l’usage unique et le jetable est en grande partie composé de plastique. Y compris à la maison, où la peur d’être contaminé nous a poussés à nettoyer comme jamais avec des lingettes (composées en partie de viscose ou de polyester, des plastiques).
Des lingettes jetées dans les toilettes
Ces lingettes ont bouché les réseaux d’assainissement, parce qu’elles y ont été jetées. Cela faisait des années que les gestionnaires de l’eau alertaient sur l'usage de ces lingettes qui, très peu biodégradables, bouchent les canalisations de stations d’épuration dès lors qu’on les met aux toilettes.
A prendre avec des pincettes, car il s'agit d'une estimation : pendant le confinement, 70 % des interventions urgentes sur les stations de dépollution des eaux usées auriaient concerné des pannes dues aux lingettes ! Dans la métropole d’Orléans, par exemple, fin mai, 220 tonnes de lingettes avaient été jetées au tout-à-l’égout.Surtout, jetez-les à la poubelle, pas dans les toilettes !
Des masques à usage unique impossibles à recycler
Pour les masques, on en a vu sur les trottoirs, il y a en avait également dans les rivières.
C’est toujours le même problème : l’hygiénisme impose de les utiliser une seule fois, donc de les jeter, car il n’est jamais certain qu’un lavage soit efficace. Or, ces masques jetables sont faits de papiers, tissus, plastiques, qui les rendent difficiles à recycler.
C'est le paradoxe de la brique de lait : c’est hygiénique, c’est propre, c’est rassurant, mais en fait, c’est fait de plein de couches de papiers, de métaux et de plastiques qui la rendent impossible à recycler. Pour les masques, c'est pareil. Et quand on ne sait pas recycler, on stocke ou on brûle.
Des problèmes pour l’environnement
Quand on stocke, on enfouit sous terre dans un grand trou rendu étanche par des membranes… plastiques. Mais au bout de plusieurs années, le "jus", le lixiviat qui apparaît, finit par dégrader les membranes. Cela descend alors dans la nappe phréatique.
Quand on brûle, il y a à priori moins de problèmes. La chaleur peut chauffer des maisons, et si les filtres sont entretenus, il n’y aura pas d’émissions de produits de dégradation dans l’atmosphère, comme les dioxines. Si on brûle dans des usines - qui coûtent une fortune-, il faut des déchets, alors qu’on nous dit qu’il faut en produire moins, donc on ne s'en sort pas. D’autant qu’on va brûler beaucoup, car la crise a augmenté l’usage des emballages alimentaires, pour deux raisons.
Nous avons opté pour des fruits et légumes emballés, plus rassurants, ce qui a d’ailleurs profité au bio souvent vendu emballé dans les magasins non spécialisés afin de faciliter le travail de la caissière.
Nous n’avons plus mangé du tout à l’extérieur, ce qui a eu un effet pervers. Car quand un industriel fournissait avant la crise une barquette de 3 kg de taboulé à un restaurant, il s’est ensuite mis à fournir 30 barquettes de portions de taboulé de 100 g à la grande distribution.
Plus d’emballages difficiles à recycler -sauf les transparents, comme les bouteilles d’eau- et difficiles à trier faute de personnels durant le confinement. Résulat : on brûle. Plus on produit de déchets, plus on brûle et plus il faut de déchets. C'est une boucle perverse, mais le sens de l’histoire va résolument contre le plastique.
Quid de la "responsabilité élargie" ?
La loi Brune Poirson, promulguée le 11 février 2020, a marqué une étape importante. C’est elle qui interdit au 1er janvier 2021 les pailles, touillettes, couvercles à gobelets, pics à steak et autres boîtes des kebabs.
Elle impose ce qu’on appelle une "responsabilité élargie du producteur", la REP, à la fois plus importante, et sur de nombreux secteurs qui n’étaient pas concernés. La loi obligeait jusqu’à présent certains industriels à s'occuper du recyclage des produits qu’ils mettaient sur le marché. Dès 2021, la loi les obligera à réfléchir avant d’agir. Les industriels devront dès la conception penser à l’impact écologique de la fabrication et de l’usage des produits. Ce qui veut dire qu’ils devront faire des produits réparables, réutilisables, réemployables, faciles à recycler. Une petite révolution.
Une révolution qui va concerner dès 2021 de nouveaux secteurs comme la restauration qui aujourd’hui jette ses emballages dans les déchets ménagers. La loi s’appliquera aussi en 2025 aux engins de pêche contenant du plastique. L'essentiel du plastique qu’on retrouve dans les ports, sur nos plages, c’est celui-là.
Quant aux lingettes, elles seront aussi concernées à partir de 2024, en même temps que les couches et les protections périodiques.
Il reste des déchets réputés impossibles à recycler
Les DASRI - Déchets d'Activités de Soins à Risques Infectieux et assimilés- sont les déchets de santé, des hôpitaux, des infirmières libérales et des patients en ambulatoire. Ces déchets, on doit les brûler à 850 ou 1 000 °C.
Dans la plupart, il y a du plastique, notamment du PVC qui, en brûlant, rejette dans l'atmosphère des dioxines.
Pourtant, il existe une autre façon de se débarrasser de ces déchets, inventée par la société Ecodas. D’autres sociétés ont ensuite inventé des procédés semblables. En 1994, Ecodas invente un appareil qui permet de broyer puis stériliser les déchets sous une vapeur d’eau à 138 °C. On appelle cela un "banaliseur" et manifestement cela fonctionne, car ce qui reste des déchets de santé peut ensuite passer dans les déchets normaux.
Une grande économie car, en France, un hôpital produit en moyenne 5 kg de déchets par lit et par jour, et 1 kg de Dasri par lit et par jour.
Le transport et l’incinération des DASRI reviennent en général à 100 000 euros par an pour un hôpital moyen. Un banaliseur coûte dans les 200 000 euros. L'investissement est donc vite amorti.
Où jeter masques et gants à la maison ?
Il faut penser au personnel qui va les trier dans les poubelles . Il faut les collecter dans un sac plastique, pendant au moins 24 heures, le temps que le virus disparaisse et ensuite mettre le petit sac à la poubelle.
Hygiène - usage unique = jetable = plastique n’est pas un dogme. On peut soigner, sans polluer !