Incinérateur de Vaux-le-Pénil : les habitants luttent pour faire reconnaître les effets de la dioxine sur leur santé
Après quinze ans de bras de fer judiciaire, l'agglomération de Melun a fait appel de sa condamnation pour "mise en danger manifestement délibérée de la vie d’autrui".
De la poussière partout, sur les meubles de jardin, le rebord des fenêtres, le linge qui sèche sur la terrasse... Maincy, petit village de 1.700 âmes aux portes de Melun suffoque. Pendant des années, une ancienne usine d'incinération d'ordures ménagères a dégagé un nuage de dioxines 2.200 fois supérieur à la réglementation. Et ce, pendant près de trente ans.
En 2003, Pascale Coffinet, alors maire de cette commune, décide de faire analyser son sang et les oeufs de ses poules élevées en plein air. "Dans les oeufs, il y avait 77 picogrammes de dioxine par gramme de lipides, or l'interdiction de consommer est fixée à 3. Pour le sang, la moyenne des Français est autour de 20 picogrammes par litre. J’en avais à peu près 50", précise la présidente de l'AVIE, l'association des victimes de l'incinérateur.
L'incinérateur est fermé en 2002. Trop tard... Francis Galloy vit à Maincy depuis 96. Sa fille, Anaïs, a été exposée plus de six ans à cette pollution durant son adolescence. À 29 ans, elle a déclaré un cancer très rare, un sarcome des tissus mous, qui l'a emportée en quelques semaines. "Ma question est : pourquoi ? Pourquoi elle ? C'est une question sans réponse... Pourquoi ça lui est arrivé ? Très rapidement, j'ai vu que le sarcome des tissus mous était cité dans les cancers rares apparaissant dans les populations exposées aux fumées d'incinérateurs ancienne génération", raconte-t-il.
Aucune étude épidémiologique n'a à ce jour permis de prouver scientifiquement le lien entre les fumées de l'incinérateur et le cancer de sa fille. Toutefois, élément troublant, d'autres maladies rares et graves ont été diagnostiquées dans le village.
Plusieurs cancers rares diagnostiqués
Le Dr Jean-Louis Pillet est aujourd'hui à la retraite. Durant trente ans, il a été le seul médecin généraliste de Maincy. Il a recensé sept cas de lymphomes non hodgkinien, une autre forme de cancer. Un chiffre extrêmement surprenant. "Pour une zone aussi restreinte et pour un seul médecin généraliste en seize ans, ça m'a paru tout à fait anormal. Cela laisse supposer que les dioxines sont en cause, bien qu'on ne puisse pas en avoir la preuve formelle", explique le médecin. Le problème pour les habitants de Maincy, c'est qu'il est en effet impossible de prouver scientifiquement le lien entre ces émissions de dioxines et l'apparition de ces cancers, les causes de ces maladies rares étant variées et difficiles à déterminer avec certitude.
"La dioxine ne se loge pas dans un endroit précis. Elle peut aller dans le foie et provoquer des cancers. Elle peut aller dans la moelle osseuse, dans notre système lymphatique, et déclencher des leucémies ou des lymphomes, voire même des sarcomes. Mais d'autres produits ont le même effet. Donc on ne peut pas incriminer de façon certaine la dioxine", précise André Picot, toxicochimiste.
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Pour Pascale Coffinet et une centaine d'autres riverains, la bataille judiciaire pour être reconnus comme victimes de l'incinérateur risque d'être longue. Elle est loin d'être terminée. Condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour "mise en danger manifestement délibérée de la vie d’autrui", l'agglomération vient de faire appel de sa condamnation. La procédure a débuté il y a plus de quinze ans. Elle est loin d'être terminée.