Cartes de séjour françaises pour les professionnels de santé: de quoi s'agit-il ?
Le projet de loi sur l’immigration prévoit l’instauration d’une carte de séjour pluriannuelle "talent professions médicales et de pharmacies". Quelles sont les professions concernées et que prévoit-elle ? On fait le point.
Un titre de séjour pour répondre aux besoins des hôpitaux. C'est ce que prévoit le projet de loi sur l'immigration porté par les ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et Olivier Dussopt (Travail) et dévoilé mardi 20 décembre. Il propose dans son article 7 l'instauration d'une carte de séjour pluriannuelle "talent professions médicales et de pharmacies".
Ce projet de loi, qui doit être présenté en Conseil des ministres en janvier avant d'être examiné au Sénat puis à l'Assemblée nationale début 2023, a fait l'objet de concertations tous azimuts en cette fin d'année ainsi que d'un débat houleux et sans vote au Parlement.
Comment fonctionne cette carte de séjour ?
Ce titre de séjour s'adresse aux praticiens diplômés hors Union européenne, les Padhue, qu'ils soient médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes ou pharmaciens, mais pas les infirmiers ou infirmières, "dès lors qu'ils sont recrutés par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif". Il bénéficie aussi à leur famille.
Deux cas de figure sont prévus. Soit le professionnel ayant
un contrat de travail d'au moins un an, n'a pas encore passé les épreuves
anonymes de vérification des connaissances (EVC), et il bénéficie d'un titre de
séjour de 12 mois, qui ne pourra être prolongé que de 13 mois en cas d'échec à
ces examens.
Soit il a réussi ces EVC, et il obtient une carte "talent professions de santé" d'une durée de quatre ans.
Quel est l'objectif ?
Ce dispositif vise à répondre aux besoins de recrutement des hôpitaux français, alors que "toutes les opportunités autorisant l'exercice de professionnels étrangers qualifiés ne peuvent actuellement être saisies par les établissements", faute d'un titre de séjour adapté, note le gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi.
De plus, cette disposition "peut être judicieuse et créer une
ouverture vers l'emploi, donner des perspectives. À condition d'assouplir toute
la procédure en vue d'exercer pour les Padhue, car cette mesure seule ne
servira pas à grand-chose", estime auprès de l'AFP Françoise Henry,
secrétaire générale de l'association d'accueil aux médecins et
personnels de santé réfugiés en France (APSR).
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"On vide les pays étrangers de leurs médecins"
Néanmoins, le président exécutif de l'intersyndicale Avenir hospitalier, Yves Rébufat, voit surtout dans ce nouveau titre de séjour une "mesurette" qui pose question: "On vide les pays étrangers de leurs médecins pour essayer de combler le déficit de formation qu'on peut avoir en France".
Le Directeur générale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), Didier Leschi, partage le même avis. Les médecins incités à venir "sont des personnes pour lesquelles on n'a pas investi pour leur formation et qui peuvent manquer dans les pays de départ", a-t-il commenté mercredi 21 décembre sur Europe 1.
En somme, ce titre de séjour pourrait contribuer à assécher les pays de départ sans résoudre les difficultés d'attractivité ni atténuer la précarité des médecins étrangers, craignent les professionnels du secteur.
Trop de sélection et pas assez d'attractivité
Pour ces derniers, il faut former davantage de médecins en France, d'autant que la suppression du "numerus clausus" à l'entrée en deuxième année d'études de médecine en 2021 n'a pas mis fin à toute sélection, loin de là.
En effet, "l'accès reste beaucoup trop sélectif", souligne
Norbert Skurnik, de la Coordination médicale hospitalière (CMH). En pointant un
autre écueil : la difficulté de l'hôpital public à attirer des médecins,
"en raison des faibles rémunérations et de la pénibilité", et de les
garder. Y compris certains praticiens à diplôme étranger.