Embryon : une recherche impossible ?
D'abord interdite en France sauf dérogation, elle est autorisée en 2013 mais sous conditions. La recherche sur l'embryon humain est un sujet de bioéthique très sensible. Si cet été, l'Angleterre a ouvert un peu plus encore le champ des expérimentations sur l'embryon, la France conserve un cadre juridique important. Comment et qui est autorisé à mener ces recherches ? Explications.
En France, six équipes sont autorisées à mener des recherches sur l'embryon humain. L'une d'entre elles est notamment chargée d'évaluer des traitements sur l'embryon pour des maladies génétiques très rares : "La recherche sur l'embryon est indispensable pour espérer un jour pouvoir traiter les maladies génétiques, explique le Pr Julie Steffann, généticienne, car pour la plupart d'entre elles, quand les enfants naissent, ils sont déjà malades. L'idée, c'est donc d'espérer être très précoce dans le traitement pour traiter les cellules le plus tôt possible pour que l'embryon puis le fœtus se développe normalement".
Des procédures complexes
Les embryons sont composés de quelques cellules. Ils proviennent de couples qui ont terminé leur projet de procréation médicalement assistée et qui ont décidé d'en faire don à la science. Les recherches sur l'embryon sont soumises à un cadre très strict comme le confirme le Pr Steffann : "Faire de la recherche sur l'embryon est difficile car le matériel est précieux. En France, il faut remplir un dossier de demande d'autorisation à l'Agence de biomédecine (…) Le parcours est extrêmement lourd".
C'est en effet l'Agence de biomédecine qui délivre les autorisations aux chercheurs. Leurs dossiers sont examinés par un conseil d'orientation composé de représentants de la société civile comme des associations, des parlementaires, des philosophes ou encore des médecins. La mission de ce conseil est de rendre un avis éthique sur le dossier du chercheur.
Ce conseil n'est pas le seul à statuer. Les dossiers des chercheurs sont aussi passés au crible par un collège d'experts scientifiques. Mais celle qui a le dernier mot pour délivrer aux chercheurs l'autorisation de travailler sur l'embryon humain reste la directrice de l'Agence de la biomédecine. Elle doit avant tout garantir les exigences imposées par la loi que sont la pertinence scientifique du projet, la finalité médicale et l'absence d'alternative. Autant de précautions car la recherche sur l'embryon fait toujours débat dans notre société.
"La recherche sur l'embryon est une recherche particulière avec des enjeux éthiques très forts. Dès lors, il faut apporter des garanties (…) On garantit notamment qu'il y aura un encadrement strict de la recherche et de ce fait, nos concitoyens savent que la recherche sera sérieuse et qu'elle respectera les enjeux scientifiques et éthiques", confie Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine.
La recherche sur l'embryon prend du retard
Des interdictions absolues s'ajoutent également à ces critères d'autorisation, à savoir l'interdiction du clonage, de création d'embryons pour la recherche ou de création d'embryons chimérique ou transgéniques. Mais selon le président du comité d'éthique de l'Inserm, le Pr Hervé Chneiweiss, aujourd'hui la recherche sur l'embryon en France prend du retard car elle se heurte à de nombreux freins : "Le premier frein est l'héritage d'une histoire. La recherche sur l'embryon a été interdite pendant plus de vingt ans. Une sorte de chape de plomb s'est abattue, il y a eu une suspicion sur les chercheurs… il faut arriver à lever la chape de plomb (…) Une réglementation extrêmement lourde a également été mise en place. Enfin, il y a aussi peu de financements".
À cela, s'ajoutent régulièrement des recours en justice de la part d'associations qui militent contre la recherche sur l'embryon humain. Malgré un cadre juridique contraignant, elles ont réussi à interrompre plusieurs protocoles de recherche ces dernières années.