Orthodontistes : au cœur du dépistage de l'anorexie-boulimie
Alors que se tenaient le 9 et le 10 novembre 2013 les Journées de l'orthodontie, il a été souligné le rôle primordial des orthodontistes dans le dépistage de l'anorexie-boulimie par l'observation d'érosions typiques et irréversibles de l'émail dentaire. Ce diagnostic permettrait d'activer la prise en charge des troubles du comportement alimentaire (TCA) pour limiter ainsi les complications.
Anorexie-boulimie: une maladie aux conséquences lourdes
Dans une société où l'image du corps est au cœur de l'actualité avec des magazines féminins gorgés d'icones plus maigres les unes que les autres, l'anorexie-boulimie bat son plein. Aux Etats unis, l'anorexie mentale est la troisième maladie chronique chez l'adolescente après l'obésité et l'asthme.
L'anorexie est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par une perte volontaire de poids dans un contexte de désordres psychiques complexes, avec modifications de l'image du corps et une peur de prendre du poids. La boulimie se manifeste par des accès de compulsions pouvant être associés à des vomissements provoqués, pour "éviter de grossir" chez des patients obsédés par le poids.
Cette maladie difficile à prendre en charge, du fait du déni du trouble, est lourde de conséquences. Outre les complications somatiques potentielles comme une dénutrition, des carences multiples, une perte de cheveux, une aménorrhée secondaire* ou encore des conduites suicidaires, elle peut parfois être fatale.
Des lésions dentaires désastreuses et irréversibles
Il n'est pas rare que les dentistes voient arriver à leur cabinet des patients avec des érosions massives et irréversibles de l'émail dentaire permettant indirectement d'établir le diagnostic d'anorexie ou de boulimie.
Dans le cadre de troubles du comportement alimentaire (TCA), les causes des érosions peuvent être soit extrinsèques par consommation d'aliments ou de boissons acides ; soit intrinsèques par régurgitations ou vomissements répétés (liquide gastrique acide). En effet, l'action répétée d'acides sur les tissus dentaires (email, dentine) peut entraîner des destructions importantes des dents. Ces lésions dentaires une fois installées, sont désastreuses et irréversibles.
D'autres conséquences de la sphère bucco-dentaires sont parfois observées : des problèmes muqueux et gingivaux ou encore des hypersensibilités dentaires avec des douleurs lors de la consommation d'aliments chauds, froids ou acides. Le but du traitement vise à préserver les tissus dentaires. Quand un traitement dentaire restaurateur est nécessaire, il ne peut être envisagé qu'après avoir éradiqué le facteur causal, c'est-à-dire une guérison de la pathologique psychique.
L'orthodontiste : acteur primordial dans le dépistage
Seul professionnel de santé à voir aussi régulièrement les adolescents et en raison des lésions typiques dentaires chez les patients atteints d'anorexie-boulimie, l'orthodontiste est en première ligne pour dépister les TCA. Il est primordial qu'après avoir fait le diagnostic, les orthodontistes osent en parler et confient leurs patients au médecin généraliste ou directement à un psychiatre spécialisé dans les TCA.
D'après la Haute autorité de santé (HAS), "plus le repérage de l’anorexie mentale est précoce, plus il est possible de prévenir le risque d’évolution vers une forme chronique et des complications somatiques, psychiatriques ou psychosociales". Il en va de même au niveau dentaire, plus la prise en charge sera précoce, moins on utilisera des techniques complexes et le traitement préventif sera privilégié.
Même si l'anorexie-boulimie est avant toute prise en charge par les psychiatres, il ne faut pas que les orthodontistes négligent ce problème et se limitent à soigner les dents exclusivement. Il est nécessaire qu'ils participent à la prise en charge de ce problème de santé publique majeur. Comme le rappelle le Dr Dore-Jourdain dans sa thèse soutenue en 2008, "le chirurgien-dentiste a le devoir, non seulement d’informer le patient de ses observations, mais également d’en référer à un médecin spécialiste compétent. L’opinion de la majorité des thérapeutes est, cependant, que la volonté et le droit du patient de refuser un traitement doivent être respectés...
"Avant même le début du traitement, le patient devra être informé que toutes les thérapeutiques engagées sont vouées à l’échec s'il ne prend pas en main ses troubles du comportement alimentaire. Par conséquent, quatre principes doivent être soulignés au patient avant de commencer ces traitements souvent complexes : accepter son désordre alimentaire ; s’engager dans une psychothérapie ; souhaiter ces traitements dentaires ; suivre un régime équilibré... De plus, notre thérapeutique s'inscrira obligatoirement dans un cadre médical pluridisciplinaire où interviendront à la fois le médecin, le nutritionniste, le psychothérapeute et le chirurgien-dentiste, l'objectif étant d’améliorer le bien-être des patients."
* absence de règles de plus de 3 mois chez une femme déjà réglée
Sources :
- Réhabilitation prothétique d'une dentition atteinte d'érosions liées à une anorexie mentale/boulimie. Présentation d'un cas clinique. Clinique de prothèse dentaire, Cliniques universitaires de médecine dentaire de BERNE (Allemagne). Dr R. Bassetti. Revue Mens Suisse Odontostomatologie Vol 122 1/2012.
- Les troubles alimentaires, de l'anorexie à l'obésité. Dr D. Dore-Jourdain. Thèse pour le diplôme d'état de docteur en chirurgie dentaire. Décembre 2008. UNIVERSITE DE NANTES. UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE D’ODONTOLOGIE
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