Allergie aux arachides : un protocole de désensibilisation prometteur
Au terme d'un essai clinique de six mois mené auprès d'enfants extrêmement allergiques aux arachides, les deux tiers des bénéficiaires du traitement ont pu ingérer quelques cacahuètes sans que ceci n'entraîne de réaction.
Parmi les personnes allergiques aux arachides, certaines développent des réactions graves (choc anaphylactique), voire fatales, en cas d’exposition à de très faibles doses, tel un éclat de cacahuète dans un plat. Les stratégies de désensibilisation par exposition à des doses croissantes d’allergènes (notamment des farines d'arachides) ont fait l'objet de publications encourageantes ces dernières années. Toutefois, elles restent encore insuffisamment évaluées pour les personnes les plus à risque.
De nouveaux travaux, publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM), ont évalué les performances de l’AR101, une molécule dérivée des protéines d’arachide, brevetée par le laboratoire californien Aimmune Therapeutics.
Des résultats saisissants
Pour cette étude, les chercheurs ont enrôlé 496 jeunes âgés de 4 à 17 ans développant des manifestations allergiques lors d’exposition à des doses très faibles de protéines d’arachide (moins de 100 milligrammes de protéines, soit moins du tiers d’une cacahuète [1]). Une soixantaine d’adultes a également participé à l’expérience [2].
372 des enfants et adolescents – soit les trois quarts des jeunes participants – ont bénéficié du traitement expérimental, ingérant durant 24 semaines des doses croissantes d’AR101. Le quart restant (124 personnes) a reçu un traitement placebo durant la même période, afin de servir de témoin à l’expérience.
Environ 80% des participants sous AR101 et 90% de ceux sous placebo ont poursuivi l'expérience durant six mois, au cours desquelles ils recevaient quotidiennement 300 mg de protéine d'arachide. À l'issue de cette seconde phase, ils étaient invités à consommer, sous supervision médicale, au moins 600 mg de protéines d’arachides (dose équivalente à celle de deux cacahuètes).
Les résultats présentés sont saisissants : alors que seuls 4% des participants sous placebo n’ont manifesté aucune réaction allergique lors de l’expérience finale, ce taux est monté à 67% parmi les bénéficiaires de l’AR101.
Durant les 24 mois de désensibilisation, des effets secondaires fréquents
Parmi les participants qui ont développé une réaction allergique durant le test final, celle-ci a été "modérée" pour 25% de ceux sous AR101, contre 59% dans le groupe placebo. Le taux de réactions "sévères" était de 5% dans le premier groupe, contre 11% dans le second.
Partant de ces données il est possible d’estimer que, si l’expérience était reproduite à plus grande échelle, le protocole serait efficace sur plus de la moitié des allergiques sévères capables de suivre le traitement.
Les auteurs de l’étude notent que 95% des jeunes participants à l’étude ont présenté "des effets indésirables – légers, modérées ou graves – au cours de l’intervention", liés ou non au traitement. Des réactions "modérées" ont été observées chez 44,4% des patients sous placebo et chez 59,7% du groupe sous AR101. Les réactions graves sont survenues chez 0,8% des participants du groupe témoin, mais chez 4,3% de ceux sous AR101.
Dans la presse anglo-saxone, le Dr Brian Vickery, principal auteur de l'étude, a insisté sur le fait que l’AR101 "n’était pas un traitement curatif". Les patients traités ne pourront pas "manger n’importe quoi". L’objectif est, simplement, de réduire le nombre d’événements graves liés à une exposition accidentelle à des arachides. Dans un éditorial accompagnant l’étude, un chercheur britannique, Michael Perkin, rappelle que tolérance aux allergènes induite par ce traitement sera vraisemblablement "temporaire", "et disparaîtra si la consommation régulière [d’AR101] cesse".
Suite à la publication des résultats, la société Aimmune Therapeutics a annoncé qu’elle solliciterait une demande d'autorisation de mise sur le marché de l’AR101 auprès la Food & Drug Administration d’ici à la fin de l’année.
la rédaction d'Allodocteurs.fr
Sources :
- PALISADE Group of Clinical Investigators. "AR101 oral immunotherapy for peanut allergy." NEJM, n°379, pp. 1991-2001 doi:10.1056/NEJMoa181285
- M.E. Perkin "Editorial: oral desensitization to peanuts." NEJM, 2018. doi:10.1056/NEJMe1813314
- I. Torjesen, "Study raises hopes of minimising risk of life threatening peanut allergy reactions", BMJ News, nov. 2018. n°363 doi:10.1136/bmj.k4879
[1] Une cacahuète, qui pèse environ un gramme, contient un peu plus d’un quart de protéines allergènes.
[2] Du fait du trop petit nombre de participants adultes, l’analyse statistique n’a pas permis de conclure à l’efficacité de la thérapie pour ce groupe.