Cancer du sein : un dépistage revu et corrigé
Alors que débute la campagne "Octobre rose", destinée à promouvoir le dépistage du cancer du sein, le ministère de la Santé a annoncé ce 3 octobre "une rénovation profonde" du programme français. Cette annonce fait suite à la remise d'un rapport remettant en perspective les bénéfices, pour une partie de la population, du dépistage non ciblé.
Douze ans après sa généralisation à l’ensemble des femmes françaises de plus de 50 ans, le programme de dépistage du cancer du sein peut – et doit – se réinventer. Tel est l’avis du ministère de la Santé qui, dans un communiqué diffusé ce 3 octobre, juge nécessaire d'aller vers plus de personnalisation, et de mieux informer les bénéficiaires du programme de ses avantages et de ses inconvénients. Les modalités de cette refonte seront annoncées d’ici à la fin de l'année 2016.
Cette annonce fait suite au lancement, fin 2015, d'une "concertation citoyenne et scientifique" destinée à "améliorer" le programme de dépistage organisé du cancer du sein. Début septembre, les conclusions ont été remises à Marisol Touraine. Ce document préconise l'"arrêt du dépistage organisé tel qu'il existe aujourd'hui" et la "mise en place d'un nouveau dépistage organisé, profondément modifié". Certains membres de ce comité réclamaient même l'arrêt pur et simple du programme de dépistage organisé, pour laisser les médecins décider au cas par cas de la pertinence d'une mammographie, selon les conclusions de ce rapport.
L'Institut national du cancer rejoint les conclusions du rapport
Sur la base de ce rapport, l'Institut national du cancer (INCa) a envoyé un courrier le 16 septembre à Mme Touraine, l'encourageant à engager sans tarder la rénovation du programme de dépistage, "en l'inscrivant dans une logique plus individualisée du parcours de santé, prenant appui sur le médecin généraliste".
Il juge aussi nécessaire de donner aux femmes "une information complète, fiable et neutre, pour leur permettre de prendre une décision éclairée".
Ne pas abandonner le dépistage, mais l’améliorer
L'INCa, organisme qui coordonne l'ensemble des acteurs français de la cancérologie, appelle à soutenir la recherche pour mieux reconnaître les anomalies susceptibles d'évoluer rapidement ou de se transformer en cancer agressif, et ainsi limiter le surdiagnostic et le surtraitement (détection et ablation de cellules anormales, mais qui n'auraient jamais évolué en cancer du sein).
L'institut estime en revanche qu'un abandon pur et simple du programme serait "très risqué, générateur d'inéquités et de pertes de chance". Il prône par ailleurs un remboursement à 100% de l'échographie comme outil de dépistage complémentaire à la mammographie, pour "supprimer les freins financiers qui demeurent".
Des arguments solides en faveur d'une réfonte
Actuellement, toutes les femmes de 50 à 74 ans sont invitées à faire une mammographie tous les deux ans pour détecter une éventuelle tumeur – et tous les ans pour celles qui présentent des risques accrus de développer un cancer du sein. Mais certains professionnels de santé, sur la base de nombreux arguments épidémiologiques, estiment que cette politique n'a pas d'effet sur le niveau de mortalité par cancer du sein.
Jusqu'ici, ces critiques à l'égard de la politique systématique de dépistage étaient écartées par les autorités, qui assuraient que les bénéfices du dépistage en termes de santé publique étaient largement supérieurs aux risques.
Le cancer du sein, le plus fréquent chez la femme, cause encore près de 12.000 décès par an en France. Lorsqu'il est détecté tôt, il est guéri dans 9 cas sur 10, rappelle toutefois le ministère. Ce chiffre inclut le traitement de tumeurs qui n’auraient pas nécessairement évolué de façon dangereuse pour les patientes, jugent les détracteurs et critiques de l’actuel programme de dépistage.