Cancer : quand les politiques brisent le silence
On se souvient tous du cancer caché de François Mitterrand ou encore celui de Georges Pompidou. Ces secrets d'Etat sont-ils toujours d'actualité ? La révélation de son cancer par Dominique Bertinotti, ministre en exercice, en 2013 reste une exception au gouvernement. Mais au niveau local, les maires assument davantage leur maladie pendant leur mandat.
15 mars 2011, les mots et la voix brisée de Patrick Roy bouleversent toute l'Assemblée nationale. Un moment extrêmement rare d'émotion commune face au combat de cet homme contre la maladie dont il ne va pas jusqu'à dire le nom, le cancer qui l'emportera trois mois plus tard. Un décès brutal qui n'a peut-être pas aidé Dominique Bertinotti alors ministre de la Famille, à révéler qu'elle était à son tour confrontée au cancer en 2013. Mais elle a justement voulu donner un autre visage à cette maladie en racontant son parcours au journal Le Monde.
La crainte de l'aveu de faiblesse
Dominique Bertinotti est la première ministre en fonction à avoir ainsi assumé l'abandon de la perruque pour dévoiler ses cheveux très courts après la chimiothérapie. Il n'est pas sûr que beaucoup suivent son exemple selon le président de l'Institut Curie, le Pr Thierry Philip : "J'ai eu des hommes politiques, y compris récemment, qui ne voulaient pas qu'on le sache. Et ces hommes politiques ne voulaient pas faire un aveu de faiblesse. La politique est un milieu où il y a toujours quelqu'un qui cherche à prendre votre place donc si vous avouez une certaine faiblesse, ce n'est pas une bonne chose".
Loin d'être naïf, Patrick Douet sait bien que son fauteuil de maire de Bonneuil-sur-Marne est très convoité. Mais il a tout de même décidé d'informer rapidement ses administrés sur son lymphome en février 2015 : "J'ai préféré dire la vérité aux gens car ils allaient bien voir qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et d'autre part, il faut aussi les respecter dans le sens où j'occupe une fonction avec des responsabilités…". Patrick Douet avait expliqué qu'il confierait la mairie à son premier adjoint pendant les semaines d'hospitalisation. Puis, il a surtout partagé l'annonce de sa rémission par l'équipe médicale en septembre 2015.
Une transparence bien trouble
Certains espèrent désormais que la nouvelle transparence du monde politique facilitera un peu leur propre parcours. Pour Béatrice Lorant, directrice adjointe de la rédaction de Rose Magazine, le fait qu'une figure publique parle de son cancer permet de "médiatiser le cancer et de faire avancer la cause". Mais impossible de savoir si la cause avance vraiment au plus haut niveau de l'Etat, si les nouveaux traitements plus discrets ne permettent pas aujourd'hui de perpétuer l'ère du grand secret cultivée pendant dix ans par François Mitterrand.