Êtes-vous créatif sans le savoir ?
Lorsqu’on parle de créativité, on pense toujours à des artistes accomplis, à Leonard de Vinci, à des peintres, des sculpteurs ou des compositeurs célèbres. Pourtant la créativité ne consiste pas seulement à produire une œuvre d’art reconnue. Comment peut-on définir le fait d’être créatif ? Les réponses de notre neuropsychologue.
Nous créons à chaque instant, nous ne prononçons jamais la même phrase, nous avons chaque jour de nouvelles pensées et la créativité pourrait être définie comme une quête quasi-innée de l’originalité.
La notion de créativité est présente dès les premiers versets de la Bible où Dieu créa… comme si l’homme était lié à la notion de création et de créativité dès le départ.
La créativité peut donc être définie comme le fait de découvrir de nouvelles choses, d’être intéressé(e) par la nouveauté, de résoudre des problèmes ou même de les découvrir alors qu'on les ignorait, ou encore d’être surpris(e) face à l’inattendu. On peut donc être créatif dans tous les domaines, y compris en sciences, dans les activités commerciales ou en cuisine !
Pouvons-nous tous être potentiellement créatifs ?
Les capacités de créativité se sont développées au cours de notre évolution et c’est maintenant une caractéristique ancrée en chacun de nous. Par exemple, nous sommes passés des peaux de bête à la haute couture, de la viande cuite sur un feu à la gastronomie ou encore du début du langage ou de l’écriture à la poésie ou à la littérature. C’est dire si nous avons progressé sur le plan de la créativité.
On pense que la créativité est ainsi devenue un élément fondamental chez l’homme. Pour certains, c’est même la créativité qui a permis la survie de l’Homo Sapiens. On peut donc imaginer que nous sommes tous équipés au niveau cérébral de façon équivalente et que nous avons tous potentiellement la possibilité d’être créatif même si nous ne sommes pas tous des créateurs reconnus.
Un cerveau différent ?
On a longtemps pensé que les personnes les plus créatives avaient un cerveau différent, avec une "aire cérébrale de la créativité", qui permettrait aux artistes de créer une œuvre à partir du néant, mais il n’en est rien. Tout d’abord la créativité n’est pas une qualité d’un individu, et la base de toute création n’est pas une connaissance propre à l’artiste, mais elle appartient au patrimoine collectif.
L’artiste va s’approprier des informations qui sont accessibles à chacun d’entre nous et il va les transformer en fonction de sa propre perception ou de ses émotions. On pourrait dire que Van Gogh n’a pas inventé les tournesols par exemple. La possibilité de créer est en fait une possibilité de percevoir, de comprendre ou d’utiliser la réalité d’une façon particulière, et il n’y a sans doute pas de région cérébrale spécifique, nécessaire pour créer.
Quel hémisphère du cerveau fait quoi ?
On répète sans cesse que chez le droitier l’hémisphère droit est plus intuitif, plus créatif, plus libre alors que l’hémisphère gauche est plus rationnel, plus logique, plus enclin à respecter des règles. On nous encourage même à libérer notre hémisphère droit, pour être plus créatif, mais tout cela est totalement faux.
Tout d’abord les deux hémisphères collaborent en permanence dans toutes les tâches, et même s’il est vrai qu’il existe une spécialisation et que chez le droitier l’hémisphère gauche est surtout impliqué dans le langage et l’hémisphère droit dans les tâches visio-spatiales, il n’en reste pas moins que les deux hémisphères sont engagés ensemble dans les tâches de création dans tous les domaines.
On parle donc plutôt maintenant de redondance entre les deux hémisphères et d’activité bilatérale, car dès 30 mns, les deux hémisphères sont engagés dans une tâche, pendant les tâches de création comme pendant toutes les autres tâches.
Quels sont les processus cognitifs qui aboutissent à la création ?
Récemment, on a pu identifier deux façons distinctes de créer, l’une intuitive, l’autre plus analytique. On associe souvent la créativité au fait que l’esprit vagabonde et soudain trouve, comme par magie, une solution. On vit d’ailleurs l’arrivée de cette pensée comme une récompense ! Pourtant, créer dans la douleur, en faisant un effort, et en cherchant n’est pas moins créatif.
Ces deux façons de faire correspondent à des réseaux distincts au niveau cérébral qu’on peut maintenant identifier et dont on peut suivre l’activation grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale.
La création "intuitive" correspond-elle à une activité cérébrale particulière ?
Grâce à l’imagerie fonctionnelle, des chercheurs américains ont enregistré l’activité cérébrale, ils ont pu montrer que lorsqu’on trouve comme par magie la solution, on peut observer une désactivation des aires visuelles et une activation dans le lobe temporal droit. Ce qui est intéressant c’est cette concomitance entre désactivation et activation.
Lorsqu'on cherche une solution à un problème ou qu'on se concentre sur une pensée, on a besoin d’inhiber sa perception, c’est sans doute pour cela qu'on ferme les yeux, ou qu'on regarde vers le haut, pour ne pas être parasité par la perception en se concentrant sur son imagination. Les meilleures idées arrivent souvent sous la douche ! On a maintenant une explication à ce phénomène, c’est probablement parce que sous la douche, nous avons moins de perceptions visuelles ou auditives et nos capacités d’imagination, de création ou de réflexion peuvent s’exprimer de manière plus importante.
Peut-on enregistrer l’activation cérébrale d’artistes en train de créer ?
Aux Etats-Unis, 12 rappeurs se sont prêtés à une expérience très sérieuse en imagerie fonctionnelle. Installés dans un scanner, ils devaient soit chanter une chanson qu’ils connaissaient, soit improviser. Cela a permis aux chercheurs de comparer l’activité cérébrale pendant l’exécution d’une œuvre connue ou pendant une activité de création.
Un des résultats intéressants est que pendant la création, on a tout à la fois des activations (en jaune) et des désactivations (en bleu) dans différentes régions de l’hémisphère gauche et de l’hémisphère droit. On peut ainsi remarquer une désactivation, visible en bleu des aires préfrontales dorsolatérales qui sont des aires de régulation et de contrôle, et qui lorsqu’elles sont inhibées vont permettre de libérer le processus créatif. En parallèle, on retrouve une activation (en jaune) d’une autre aire dans le cortex préfrontal mais cette fois médian, sans doute liée à l’émergence de la création.