"Essai clinique" du Pr Joyeux : "Des pratiques illégales et sauvages" selon les associations
L’expérimentation, menée sur 350 patients et interdite par l’Agence du médicament, choque les associations de patients France Alzheimer et France Parkinson.
La nouvelle est tombée le 19 septembre : le Pr Henri Joyeux, chantre des anti-vaccins, a mené dans le secret et en toute illégalité un "essai clinique". Au moins 350 malades de Parkinson ou d'Alzheimer auraient été enrôlés. Après cette découverte, L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a annoncé l’interdiction de l’expérimentation. Et pour cause : les traitements des malades ont été arrêtés, et ceux-ci se sont vu administrer des molécules dont "la qualité n'est pas connue", selon l’ANSM.
"Une manière de profiter du désespoir des patients"
"Nous sommes choqués que de telles pratiques puissent avoir lieu en France, avec la législation en vigueur et toutes les mesures draconiennes qu’elle prend dans l’intérêt immédiat des personnes malades" réagit Fabienne Pelé, directrice générale de France Parkinson. "C’est une manière de profiter du désespoir des patients atteints d’une maladie pour laquelle il n’existe aucun traitement curatif", abonde Guillaume Frasca, membre du service de recherche de France Alzheimer.
Arrêter les traitements : un vrai danger
Au-delà de la surprise, c’est de la colère que ressentent les associations de défense des patients. Car l’arrêt des traitements pour les malades de Parkinson et d’Alzheimer peut avoir des conséquences dramatiques. "Les malades ont besoin de plusieurs prises par jour, avec une posologie extrêmement précise, des doses par tâtonnement. Les effets immédiats d’un arrêt sont catastrophiques car c’est une maladie neurodégénérative, chronique et handicapante, avec un impact sur la vie quotidienne. On constate des lenteurs, de la rigidité, des douleurs, et pour beaucoup de malades, des tremblements" développe Fabienne Pelé.
Pour les malades d’Alzheimer, les conséquences d’un arrêt du traitement sans concertation avec le médecin traitant ne sont pas aussi graves, mais la situation reste inquiétante. "L’année dernière, à la suite du déremboursement des traitements, certains patients ont arrêté. Cela a parfois entraîné un recul des facultés cognitives. Là, ce qui est dangereux, c’est surtout l’interruption d’un contact régulier avec le neurologue" précise Guillaume Frasca.
Fabienne Pelé et Guillaume Frasca s’accordent de plus sur une chose : une telle expérimentation, présentée comme un "essai clinique", pourrait jeter le discrédit sur la recherche médicale. "On craint que les patients perdent confiance", confie la directrice générale de France Parkinson.
L'ANSM a saisi le pôle Santé du parquet de Paris
Tous deux encouragent vivement les patients ayant été enrôlés dans l’expérience du Pr Joyeux à se rapprocher de leur neurologue ou de leur médecin traitant, afin de les informer de l’arrêt du traitement. "Surtout, il faut qu’ils arrêtent de prendre les patches prescrits par le Pr Joyeux, on ne sait pas ce qu’ils contiennent ! Il faut aussi les conserver à des fins d’analyse potentielle" ajoute Fabienne Pelé.
Le Pr Joyeux a été radié par le conseil de l’Ordre des médecins du Languedoc-Roussillon en juillet 2016, mais la décision a été suspendue par une procédure d’appel en juin 2018. Pour le moment, l’ANSM indique avoir saisi le pôle Santé du parquet de Paris.