Manèges : quels risques pour le corps?
Dans les fêtes foraines, les manèges rivalisent d’ingéniosité pour répondre à un public en demande de sensations toujours plus fortes. Sur certaines attractions, le corps est soumis à des accélérations qui défient les lois de la gravité terrestre et auxquelles l'organisme tente de s'adapter.
Entrés en zone de turbulence, des milliers de corps sont secoués, tournés, ballotés, le tout à des vitesses inhabituelles. Voilà les principes qui régissent la plupart de ces manèges, toujours plus sophistiqués. L'objectif : s'extraire de la gravité qui nous cloue au sol.
Jusqu'à 4 G d'accélération
Défier les lois du sol suffirait à nous procurer des sensations fortes. Sur terre, la gravité est à 1 G. Mais, sur certaines attractions, le corps est soumis à des accélérations qui frisent parfois les 4 G. Résultat : le poids du corps est multiplié lui aussi par quatre. Ces forces de gravité, qui n'existent pas sur terre, ne sont pas sans conséquences sur l'organisme.
"Une personne qui sera maigre aura des sensations beaucoup moins importantes qu'une personne de corpulence un peu plus forte", fait remarquer le Dr Sheila Gasmi, médecin urgentiste au SAMU 93. "C'est pour cela qu'un enfant, quand il monte dans un manège, n'aura pas la même sensation qu'un adulte, à manège équivalent", souligne-t-elle.
Le corps, quant à lui, ne reste pas indifférent à tous ces mouvements qu'il subit.
D'après le Dr Gasmi, "Le corps est fait pour rester à terre et non pour être en l'air comme c'est le cas dans certains manèges". Et la professionnelle de préciser : " Nous avons une oreille interne qui est sensible aux variations de position de la tête et du corps ; donc, dès qu'il y a une inadéquation, le corps le vit très mal".
Sur un manège, lorsque le corps est balloté dans tous les sens, la sensation de vertige et de haut le cœur se fait sentir très rapidement. En cause : l'oreille interne. C'est grâce a elle que notre cerveau sait si nous sommes à l'endroit ou à l'envers. Mais dans ces situations, plus rien ne fonctionne normalement.
"Le temps que les cellules de notre oreille interne se positionnent et donnent une information au cerveau, celui-ci en reçoit déjà une deuxième", précise le médecin urgentiste. "Et c'est ce décalage, ce laps de temps, qui est trop rapide et qui fait que le cerveau n'arrive pas à synchroniser et procure ce vertige là", souligne-t-elle.
Sensation d'impesanteur
La sensation la plus éprouvante est certainement celle procurée par ce manège haut de 85 m, d'où l'on tombe à plus de 120 km/h pendant 4 secondes. Quatre secondes de chute libre qui placent le corps en hypogravité, c'est-à-dire en état impesanteur. C'est exactement ce que les astronautes vivent durant leur séjour prolongé en station orbitale : la gravité est inexistante, elle est à 0 G.
Au centre national d'études spatiales (CNES), Guillemette Gauquelin-Koch, responsable du programme Sciences de la vie, étudie les effets de l'impesanteur sur le corps humain et notamment le comportement de la circulation sanguine. "A 0 G, tout le sang qui était piégé dans la partie inferieure du corps remonte dans la partie supérieure, ce qui fait un volume d'à peu près 1,5 litre qui remonte", fait-elle remarquer. "Le cœur pense alors qu'il est en hypervolémie puisque tout le sang se retrouve capté dans la partie supérieure du corps", précise la chercheuse. "Vous avez alors une grosse tête pendant 3 ou 4 jours, ce que l'on appelle la tête en face de lune des astronautes. Puis, au bout d'un certain temps, il y a une nouvelle répartition du sang, toujours dans la partie supérieure du corps, dans des endroits où il était pas capté avant", explique-t-elle
Sur les manèges, le commun des mortels n'est pas épargné par ces bouleversements sanguins. A la différence près qu'ici, le phénomène ne dure que quelques secondes. Il est donc supportable, sauf pour les personnes souffrant d'une mauvaise coagulation du sang ou ayant subi un AVC.