Boire un petit verre protège-t-il notre coeur ?
Quelles sont les conséquences de l'alcool sur notre santé cardiaque ? Le Dr Laurent Uzan, cardiologue médecin du sport, dresse un état des lieux des connaissances.
Après un prétendu "French paradox", selon lequel une consommation modérée d'alcool serait bénéfique pour le coeur, des experts de santé publique ont rédigé un avis demandant aux autorités sanitaires de mieux informer le public sur les dangers de toute consommation d'alcool. Vieille de plus de trente ans, cette idée de supposés bienfaits de l'alcool reste fermement enracinée dans l'esprit du grand public... et d'un certain nombre de médecins. Elle a pourtant été largement et régulièrement écornée.
Alors boire un petit verre par jour protège-t-il notre coeur ? Cette théorie selon laquelle la consommation d'alcool pourrait être bénéfique pour la santé globale n'a pourtant jamais été démontrée par la science.
Que disent les études sur les bienfaits de l'alcool ?
Contrairement à ce qui se fait d'habitude, la plupart des études n'ont pas été réalisées en comparant buveurs et non buveurs, mais petits buveurs et consommation excessive. Dans ce cadre, certaines études ont permis de déterminer qu'une faible consommation d'alcool contribuait à réduire le risque de certaines maladies du coeur par rapport à ceux qui boivent plus.
Ces "bienfaits" ont été constatés, quel que soit le type d'alcool consommé (vin, bière...). Ces résultats peuvent être rassurants pour certains d'entre nous, mais ils ne signifient pas pour autant qu'il est recommandé de commencer à consommer de l'alcool pour des raisons de santé.
Quels effets sur notre coeur ?
La plupart des consommateurs d'alcool connaissent les effets de l'alcool sur leur foie (cirrhose, cancers...) mais on parle peu des conséquences directes et indirectes sur notre coeur. Par exemple, la consommation de deux verres, chez l'homme et chez la femme, induit une élévation de la tension artérielle. Et qui dit tension, dit risque d'AVC ou d'infarctus.
Chez les hommes, la fréquence de l'hypertension artérielle augmente de 50% pour une consommation de trois verres par jour. La réduction de la prise d'alcool de quatre verres à deux verres s'accompagne dans les jours qui suivent d'une chute de la tension artérielle systolique de l'ordre de 4 mmHg, soit l'effet d'un médicament pris contre l'hypertension. Les femmes sont encore plus exposées que les hommes.
L'alcool a-t-il un effet favorable sur le cholestérol ?
Il existe une augmentation du bon cholestérol : le HDL. Cette augmentation est d'ailleurs indépendante du type de boisson consommée (cela ne concerne pas uniquement le vin). Certes, la consommation d'alcool ne semble pas influencer le taux de mauvais cholestérol mais elle fait grimper en flèche nos triglycérides.
Les scientifiques ont aussi calculé que l'abus d'alcool est associé à un risque multiplié par deux d'arythmie, de crises cardiaques ou d'insuffisance cardiaque, soit des risques similaires à ceux observés avec le diabète par exemple. Même ponctuelle, l'alcoolisation quand elle est importante expose des personnes jeunes à des arythmies cardiaques, c'est-à-dire des troubles qui touchent normalement les personnes âgées.
Quels sont les dégâts causés par le binge drinking ?
Le binge drinking consiste à ingurgiter une quantité importante et rapide d'alcool. Cette pratique est extrêmement dangereuse. A titre d'exemple, 30% des personnes examinées lors de la Fête de la bière à Munich présentaient des épisodes d'arythmie lors d'une étude publiée il y a quelques années. L'alcool a un effet toxique sur les cellules cardiaques, il les abîme et les détruit petit à petit.
Existe-t-il une consommation idéale ou à ne pas dépasser ?
Selon une étude publiée dans la revue The Lancet, sur près de 600.000 buveurs, le niveau de consommation sans danger exagéré est de 100 g d'alcool par semaine. Ramené à ce que nous connaissons en France, cela représente environ dix verres (un peu moins chez la femme).
Les chercheurs de cette étude affirment que l'alcool est dangereux même à faible dose. Au-delà de cinq à six verres par semaine, rognant l'espérance de vie. En buvant régulièrement dix verres par semaine, une personne de 40 ans perdrait deux ans d'espérance de vie, soit quinze minutes de vie en moins pour chaque verre venant après le cinquième ! Et peu importe la nature de l'alcool consommé. Cette étude permettra peut-être une certaine modération dans la consommation d'alcool.