Découverte d'une hormone contre l'addiction au cannabis
Des chercheurs de l'Inserm ont découvert qu'en présence de THC (le principal principe actif du cannabis), le cerveau produisait une hormone qui empêche l'activation de nombreux récepteurs cérébraux. En injectant une grande quantité de cette molécule chez des souris, les scientifiques sont parvenus à empêcher l'apparition "de plusieurs effets intoxicants du cannabis". Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Science datée du 3 janvier 2013.
Alors que les consommateurs de cannabis recherchent un état de détente, de bien-être et une modification des perceptions, les dangers d'une consommation régulière de cannabis sont nombreux. Outre une dépendance à cette substance, deux troubles majeurs du comportement sont associés à la prise de cannabis chez l'homme : des déficits cognitifs (troubles de la mémoire) et une perte généralisée de la motivation.
Le THC, le principe actif du cannabis, agit sur le cerveau en se fixant sur certains récepteurs neuronaux - les récepteurs CB1 - associés à la régulation de la prise alimentaire, du métabolisme, des processus cognitifs et du plaisir. En interragissant avec ces récepteurs, le THC force la libération de dopamine, dont la quantité disponible dans le cerveau engendre une sensation de plaisir.
Or, "une sur-stimulation des récepteurs CB1 par le THC va provoquer une diminution des capacités de mémorisation, une démotivation et progressivement une forte dépendance", expliquent les chercheurs de l'Inserm dans le communiqué qui accompagne la publication dans Science.
Une molécule bouclier
Les équipes des professeurs Piazza et Marsicano ont découvert que la sur-activation des récepteurs CB1 par des fortes doses de THC - bien supérieures à celles auxquelles est exposé le consommateur régulier - déclenchait la synthèse massive d'une hormone, la prégnénolone (entre +1500 et 3000% pendant 2 heures). Se fixant elle aussi sur les récepteurs CB1, elle agit comme un bouclier contre le THC.
Les chercheurs ont administré de la prégnénolone à des souris. "Cette administration externe de prégnénolone augmente encore plus le niveau cérébral de cette hormone, et permet ainsi de bloquer les effets néfastes du cannabis", expliquent les chercheurs. "Au niveau neurobiologique, la prégnénolone diminue fortement la libération de dopamine déclenchée par le THC."
"Si on bloque la synthèse de prégnénolone, les effets du THC augmentent. A l'inverse, l'administration de prégnénolone à des rats ou des souris, à des doses qui augmentent encore plus les concentrations cérébrales de cette hormone, permet de bloquer les effets comportementaux négatifs du THC", poursuivent les chercheurs.
"Par exemple, les animaux ainsi traités récupèrent des capacités [de mémorisation] normales, présentent une sédation plus faible et sont moins motivés pour s'administrer des cannabinoïdes. Enfin, des tests menés sur des cellules en culture qui expriment le récepteur CB1 humain confirment l'efficacité de la prégnénolone pour contrer l'action moléculaire du THC chez l'homme."
Cette hormone ne peut cependant pas être utilisée "telle quelle" comme médicament, car elle est mal absorbée et rapidement métabolisée par l'organisme. "Nous [sommes déjà parvenus à développer] des dérivés de la prégnénolone qui sont stables et bien absorbés, et qui sont [donc] en principe utilisables comme médicament", explique Vincent Piazza. "Nous espérons commencer les essais cliniques bientôt afin de vérifier si nos attentes se confirment et si nous avons véritablement découvert la première thérapie pharmacologique de la dépendance au cannabis".
Source : Pregnenolone Can Protect the Brain from Cannabis Intoxication P.V. Piazza, G. Marsicano et coll. Science, 2 janvier 2014, http://dx.doi.org/10.1126/science.1243985
En savoir plus sur la dépendance au cannabis :
Selon l’Inserm, l'addiction au cannabis concerne plus de 20 millions de personnes dans le monde et un peu plus d¹un demi-million de personnes en France. Elle est devenue ces dernières années l'un des premiers motifs de consultation dans les centres spécialisés dans le soin des addictions. Les auteurs de ces travaux notent que "la consommation de cannabis concerne principalement une population particulièrement fragile aux effets néfaste de cette drogue : les 16-24 ans, dont 30% en consomme".
Pour en savoir plus : Alcool, cannabis et tabac : une consommation en hausse chez les lycéens, article du 10 décembre 2013