Le paquet de cigarettes à 10 euros en trois questions
Dans sa déclaration de politique générale mardi 4 juillet, Edouard Philippe a annoncé l'augmentation du prix du paquet de cigarettes. Une bonne nouvelle pour le Dr Dautzenberg, secrétaire général de l'Alliance contre le tabac, qui se réjouit du volontarisme du nouveau gouvernement en la matière.
Le président de la République et la ministre de la Santé s'y étaient montrés favorables, le Premier ministre l'a confirmé devant l'Assemblée nationale : le gouvernement entend augmenter fortement le prix du tabac. Retour en trois questions sur cette annonce avec le tabacologue Bertrand Dautzenberg.
L'augmentation du prix, est-ce une mesure efficace ?
"L'OMS recommande l'augmentation des prix sur le tabac comme la mesure la plus efficace de lutte contre le tabac", explique le Dr Dautzenberg. Elle le chiffre même ainsi : 10% d'augmentation du prix équivaut à 4% de baisse de consommation du tabac. Elle est même parfois supérieure si elle s'accompagne d'une campagne de lutte, comme cela fut le cas en 2003 lorsque Jacques Chirac avait déclaré la "guerre au tabac".
En revanche, c'est bien l'augmentation du prix qui est dissuasive pour les fumeurs, et non le simple fait que le prix soit élevé. "Une hausse du prix de moins de 5% n'a aucune efficacité", précise le Dr Dautzenberg. Il faut donc doser cette mesure, puisqu'à l'inverse, l'effet de l'augmentation des prix s'atténue après 18 mois. "Je suis favorable à une augmentation du paquet à 8 euros, puis d'un euros un an plus tard et également l'année suivante". Pour que les fumeurs ressentent vraiment la hausse, et ce pendant suffisamment de temps pour diminuer la consommation.
Comment se situe la France par rapport à ses voisins européens ?
Si l'on regarde le prix du paquet, la France est avec environ 7 euros le troisième pays de l'Union européenne le plus cher, derrière le Royaume-Uni et l'Irlande mais bien au-delà de la moyenne européenne, comme le montre le graphique suivant.
Or, selon le Dr Dautzenberg, la France se situe parmi "les plus gros consommateurs d’Europe". "On était dans les quatre plus gros consommateurs d’Europe il y a quatre ans. Et la situation s’est améliorée dans les autres pays, comme en Bulgarie et en Croatie, alors qu’elle s’est aggravée en France". Un titre de presque bonnet d'âne qui pousse aujourd'hui le gouvernement à agir, même si la hausse de la part de fumeurs en France s'explique aussi mécaniquement : "Des générations de femmes fumeuses remplacent aujourd'hui des femmes qui ne fumaient pas. Désormais, les femmes fument comme les hommes à tous les âges", analyse le tabacologue.
Seule lueur d'espoir, les plus jeunes ont tendance à moins fumer. "Avec le paquet neutre, les jeunes ont perdu l'attachement à la marque", assure le Dr Dautzenberg. Il observe que, sur Paris, il y a maintenant 5% de fumeurs à 16 ans, quand ils étaient 5% d'une génération dès 13 ans auparavant.
Le gouvernement prend-il le problème au sérieux ?
Avec près de 73.000 décès par an, le tabac possède le malheureux titre de "première cause de mort évitable en France". "La différence avec avant, c’est que le pouvoir au plus haut niveau dit oui aux mesures proposées par le ministère de la Santé", juge le Dr Dautzenberg. Que le gouvernement prenne le problème à bras le corps est "une nouvelle presque aussi importante pour moi que l’augmentation du prix".
Pour faire plus, la ministre Agnès Buzyn pourrait également s'attaquer aux problèmes des inégalités sociales face au tabac. "Les riches arrivent à arrêter et les pauvres n’y arrivent pas. Il est tout à fait urgent de rembourser effectivement les substituts nicotiniques".