Reflux gastriques : la prise d'IPP augmenterait le risque de maladie rénale chronique
Fréquemment prescrits pour limiter les reflux gastro-oesophagiens, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ne sont pas sans effets secondaires. Selon une étude, publiée le 11 janvier 2016 dans le Jama Internal Medicine, la prise prolongée d'IPP pourrait être associée à un risque accru de développer ultérieurement une maladie rénale chronique.
Pour diminuer l'acidité gastrique de leurs patients, les médecins recourent couramment aux IPP, les "inhibiteurs de la pompe à protons", qui entravent l'activité des cellules de la paroi de l'estomac (voir encadré).
Des recherches menées depuis une dizaine d'années ont suggéré que la prise d'IPP au long cours était associée à un accroissement (plus ou moins important) du risque d'apparitions de plusieurs pathologies : sur-risque d'infections à Clostridium difficile [1], de fracture de la hanche [2], de néphrite interstitielle aiguë [3], de pneumonies [4], et de lésion rénale aiguë [5].
Ce dernier point, l'un des mieux documenté, a éveillé l'intérêt d'une équipe de chercheurs étasuniens et australiens. Si les IPP intéragissent avec les reins, sont-ils susceptibles d'entraîner un sur-risque de maladie rénale chronique ?
Les chercheurs ont analysés deux jeux de données. Les premières portaient sur une cohorte 10.482 adultes âgés de 63 ans en moyenne, recrutés dans une étude prospective indépendante, suivis durant un peu plus de dix ans. Les secondes, sur les dossiers médicaux de 248.751 patients.
Pour la première cohorte, ajustant les données en fonction des facteurs de risque connus de maladie rénale chronique, les auteurs ont constaté une sur-représentation significative de cette pathologie chez les personnes traitées sous IPP [6]. Cette tendance a été confirmée dans la seconde cohorte, permettant d'estimer le sur-risque autour de +24% pour les personnes traitées, par rapport aux personnes non traitées. La prise de PPI une fois par jour est associée à un sur-risque estimé entre +9% et +21%, une double prise quotidienne élevant ce risque entre +28% et +67%.
Afin de vérifier que cette association n'était pas due aux seuls troubles gastriques, les auteurs ont pris la précaution de comparer le groupe sous IPP à des malades traités par antagonistes des récepteurs H2 (un autre anti-acide), ainsi que la durée de poursuite de traitement. L'estimation, beaucoup moins précise [7], confirme toutefois la tendance.
Au regard de ces données, les auteurs jugent probable que l'utilisation d’IPP soit bel et bien associée à un risque accru de développer une maladie rénale chronique. Si ces travaux venaient à être confirmés, il resterait à déterminer si diminuer le dosage d'IPP permet de réduire significativement ce risque, et si les bénéfices obtenus ne sont pas inférieurs au risque pris.
Source : Proton Pump Inhibitor Use and the Risk of Chronic Kidney Disease. B. Lazarus, et coll. JAMA Intern Med, publication avancée en ligne du 11 janvier 2016. doi:10.1001/jamainternmed.2015.7193.
[1] Dial S, Alrasadi K, Manoukian C, Huang A, Menzies D. Risk of Clostridium difficile diarrhea among hospital inpatients prescribed proton pump inhibitors: cohort and case-control studies. CMAJ. 2004;171(1):33-38.
[2] Long-term proton pump inhibitor therapy and risk of hip fracture. Yang YX, Lewis JD, Epstein S, Metz DC. JAMA. 2006;296(24):2947-2953.
[3] Voir :
- Systematic review: proton pump inhibitor–associated acute interstitial nephritis. Sierra F, Suarez M, Rey M, Vela MF. Aliment Pharmacol Ther. 2007;26(4):545-553.
- A nationwide nested case-control study indicates an increased risk of acute interstitial nephritis with proton pump inhibitor use. Blank ML, Parkin L, Paul C, Herbison P.Kidney Int. 2014;86(4):837-844.
[4] Lambert AA, Lam JO, Paik JJ, Ugarte-Gil C, Drummond MB, Crowell TA. Risk of community-acquired pneumonia with outpatient proton-pump inhibitor therapy: a systematic review and meta-analysis. PLoS One. 2015;10(6):e0128004. doi:10.1371/journal.pone.0128004.
[5] Voir :
- Leonard CE, Freeman CP, Newcomb CW, et al. Proton pump inhibitors and traditional nonsteroidal anti-inflammatory drugs and the risk of acute interstitial nephritis and acute kidney injury. Pharmacoepidemiol Drug Saf. 2012;21(11):1155-1172.
- Klepser DG, Collier DS, Cochran GL. Proton pump inhibitors and acute kidney injury: a nested case-control study. BMC Nephrol. 2013;14:150.
- Antoniou T, Macdonald EM, Hollands S, et al. Proton pump inhibitors and the risk of acute kidney injury in older patients: a population-based cohort study. CMAJ Open. 2015;3(2):E166-E171. doi:10.9778/cmajo.20140074.
[6] Ce, qu'ils aient suivi ce traiment avant ou après avoir été intégré à la cohorte. Chez eux, le sur-risque de maladie rénale chronique est estimé entre +14% et +96%, par rapport à des personnes qui n'ont jamais pris d'IPP.
[7] Comparés à ces autres patients, les utilisateurs d’IPP auraient un sur-risque de développer la maladie estimé entre +13% et +174%.
Le terme d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) désigne un type de molécules capable de réduire durablement (de l'ordre d'une journée) la production de suc gastrique, en réduisant l'activité des cellules qui constituent la paroi de l'estomac.
La fameuse "pompe à protons" est une protéine positionnée en travers de la membrane cellulaire, et qui parvient à déplacer les ions hydrogènes (H+, soit un proton isolé) vers différents structures cellulaires, modifiant ainsi l'acidité du milieu.