Classement des perturbateurs endocriniens : qu'est-ce qui va changer ?
La ministre de la santé Agnès Buzyn dévoile son plan de lutte contre les perturbateurs endocriniens présents dans de nombreux produits de consommation. Considérés comme responsables de troubles de la fertilité, de la croissance, voire de développements de cancer, ils seront dorénavant classés en fonction des informations dont on dispose concernant leur toxicité.
Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation pour l'UFC-Que Choisir décrypte le classement des perturbateurs endocriniens qui, selon le plan de la ministre, comprendrait 3 catégories : « suspecté, présumé, avéré ».
- Classer ses perturbateurs endocriniens, est-ce une mesure suffisante et qu’est ce que ça va concrètement changer ?
Olivier Andrault : "C’est une mesure importante. Actuellement, au niveau européen, on a aujourd’hui un contexte qui est très défavorable, on a une définition des perturbateurs endocriniens qui est extrêmement exigeante en terme de démonstration de la preuve. Pour vous donner une idée, le bisphénol A n’aurait probablement pas été défini comme perturbateur endocrinien avec la loi européenne actuelle. L’idée de définir les perturbateurs endocriniens avérés, présumés ou suspectés, ça permet finalement de différencier les cas de figure, et de mettre en application le principe de précaution.
Pour autant, ce qu’il faut savoir c’est que on va demander notamment à l’Anses, notre agence de sécurité sanitaire, de définir les molécules qui sont prioritairement à étudier au regard du risque de perturbateur endocrinien. Mais d’une certaine manière, on marche sur la tête parce que l’Anses va tenter de pallier le retard énorme qui a été accumulé au cours des décennies pendant lesquelles les fabricants ont mis sur le marché des produits dont une bonne part d’entre eux contiennent potentiellement des perturbateurs endocriniens. Notre demande c’est de demander en amont, lors de l’autorisation de nouvelles molécules, et en cas de ré-évaluation, systématiquement, soit examiner le caractère potentiellement perturbateur endocrinien ou d’effet cocktail."
- Les fabricants de ces nouvelles molécules ne participent pas à ce nouveau plan. Qu’en pensez-vous ?
"Ce qui est complètement hallucinant, c’est que l’autorisation des molécules actuellement, c’est très majoritairement des autorités européennes ou nationales qui vont se contenter de relire des études qui leur sont transmises par les fabricants eux-mêmes, et donc évidemment avec un biais majeur. On l’a vu par exemple avec le glyphosate, la majorité des études réalisées par les fabricants ne met pas en évidence le problème de toxicité alors que la majorité des études indépendantes le mettent en évidence. Notre demande, c’est bien évidemment qu’il y ait la possibilité pour les fabricants d’abonder à un fond dans lequel les agences nationales et européennes viendraient puiser pour réaliser des études réellement indépendantes."
- Il est question d’un site internet pour informer les consommateurs, qu’en pensez-vous ?
"C’est plutôt une bonne chose, mais ce qui serait encore mieux et beaucoup plus efficace, ce serait de mettre directement l’information, avec des alertes, sur l’étiquetage. Cette possibilité n’apparaît pas pour le moment dans le premier rapport synthétique qui fait la liste des priorités. Le consommateur va avoir rarement le temps d’aller consulter le site internet avant d’acheter un produit. Notre demande est donc de mettre au même niveau de priorité la mise en place d’un site internet et d’un étiquetage, pour une meilleure information des consommateurs."