Les perturbateurs endocriniens, omniprésents ?
Quels sont les perturbateurs endocriniens connus auxquels nous sommes confrontés tous les jours ?
Les réponses avec le Jean-Pierre Cravedi, toxicologue et directeur de recherches au pôle toxicologie alimentaire à l'Inra (Toulouse), et avec Rémy Slama, épidémiologiste de l'environnement à l'Inserm et directeur du conseil scientifique du programme national de recherches sur les perturbateurs endocriniens :
"Il y a des perturbateurs endocriniens parmi les pesticides, y compris des substances naturelles. On oublie un peu trop souvent mais les phyto-oestrogènes sont considérés comme des perturbateurs endocriniens car ils sont actifs sur le système hormonal en particulier. On les retrouve notamment dans le soja. Il y a des métaux qui sont des perturbateurs endocriniens, il y a toute une ribambelle de substances qui n'agissent pas forcément sur les mêmes cibles."
"Il y a également des perturbateurs endocriniens dans les médicaments. On se rend compte maintenant que le paracétamol ou certains anti-inflammatoires peuvent agir comme des perturbateurs endocriniens, en plus de ceux qui sont présents dans l'alimentation, dans les cosmétiques… Il n'y a pas de liste officielle des perturbateurs endocriniens mais il y a plusieurs centaines de molécules suspectes.
"Le premier cri d'alerte concernant les perturbateurs endocriniens remonte aux années 1960. Une scientifique, Rachel Carson, a écrit un livre Le Printemps silencieux dans lequel elle suspectait les pesticides organochlorés d'être responsables de l'extinction d'espèces d'oiseaux, d'où le titre de son livre. Elle prétendait qu'il n'y aurait plus d'oiseaux pour chanter au printemps. Et effectivement à cette époque-là, on s'est rendu compte que le DDT, peut-être les PCB, se répandaient dans l'environnement et pouvaient vraiment avoir un rôle sur la reproduction de ces oiseaux, par exemple en fragilisant la coquille et du coup en causant l'extinction de certaines espèces.
"À l'époque on ne parlait pas de perturbateurs endocriniens mais en fait, le mécanisme qui est derrière certains de ces effets est un mécanisme de perturbateur endocrinien. Et au cours des décennies qui ont suivi, on a fait converger plusieurs questions de recherche. L'étape suivante importante c'était le drame du distilbène en 1971. On a mis en relation l'exposition au distilbène pendant la grossesse avec la survenue de cancers quinze à vingt ans plus tard. C'est aussi de la perturbation endocrinienne mais le terme date des années 1990."