Les sensibles au gluten ne sont pas tous des malades imaginaires
Une étude suggère que la sensibilité au gluten, et les symptômes intestinaux et extra-intestinaux qui vont avec, ont bien une base biologique. Les problèmes seraient liés à une fragilité de la barrière intestinale.
Le régime sans gluten est à la mode et l’industrie agro-alimentaire s’est engouffrée dans la brèche. Le gluten, c’est une protéine visqueuse, présente dans le grain de blé, d’orge, de seigle ou encore d’avoine. Extrêmement répandu, on le trouve dans des aliments comme le pain, les pâtes ou les biscuits auxquels il donne leur élasticité et leur moelleux, mais aussi dans de nombreux plats préparés.
De plus en plus de personnes évitent le gluten et affirment s'en porter mieux. Le corps médical, lui, reste sceptique face à ces "intolérants". Car la "vraie" intolérance au gluten existe, et elle a un nom : il s’agit de la maladie cœliaque.
Pas de diagnostic de la maladie coeliaque, mais…
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire s’attaque à la muqueuse intestinale et l’abîme. Elle touche environ 1 personne sur 300 en France. Souvent caractérisée par des symptômes digestifs (diarrhées, ballonnements, douleurs abdominales…), elle peut aussi être silencieuse ou se manifester uniquement par des symptômes extra-digestifs, comme par exemple des carences, typiquement une anémie. Ces patients se trouvent contraints de bannir totalement le gluten de leur alimentation.
La maladie coeliaque est diagnostiquée grâce à une série de tests. Des personnes, testées négatives à ces tests, peuvent malgré tout souffrir de symptômes proches de ceux que donne la maladie, après l'ingestion de blé ou de céréales apparentées. On parle de sensibilité au gluten non-cœliaque. Souvent peu prises au sérieux, ces personnes ont pourtant bien "quelque chose". C’est une étude menée par des chercheurs du Columbia University Medical Center (CCEM) et de l’université de Bologne, publiée dans la revue Gut, qui le dit.
Une barrière intestinale trop perméable
Les chercheurs ont examiné 40 personnes atteintes de la maladie cœliaque, 80 personnes sensibles au gluten, et ont aussi recruté 40 témoins sains. Ils ont observé des différences notoires :
- Dans le groupe des volontaires atteints de la maladie cœliaque, en dépit de l'étendue des lésions intestinales, les biomarqueurs sanguins de l’activation immunitaire n’étaient pas élevés. Cela suggère que chez ces patients, la réponse immunitaire, strictement localisée à l’intestin, est capable de neutraliser les composants microbiens qui passent à travers la barrière intestinale endommagée.
- Dans le groupe des sensibles au gluten non coeliaques, la situation était sensiblement différente. Ils ne présentaient pas les mêmes cellules immunitaires au niveau intestinal, mais des marqueurs témoins de dommage infligés aux cellules intestinales et des marqueurs sérologiques d’une activation immunitaire systémique (générale) aiguë.
D’après les chercheurs, les deux phénomènes sont liés : la réaction immunitaire systémique est liée à l'augmentation du passage de composants microbiens de la lumière intestinale vers la circulation sanguine. En partie à cause d’un affaiblissement de la barrière intestinale.
"Notre étude montre que les symptômes rapportés par les personnes atteintes ne sont pas imaginés, comme certains l'ont suggéré. Elle démontre qu'il existe une base biologique pour ces symptômes dans un nombre important de ces patients", a déclaré Peter H. Green, un des co-auteurs, professeur de médecine au CCEM. "Cette réaction immunitaire systémique est compatible avec l'apparition rapide des symptômes rapportés chez les personnes ayant une sensibilité au gluten non-coeliaque", a expliqué le Dr Armin Alaedini, chef de l'étude et professeur adjoint de médecine à la Columbia.
Des marqueurs qui se normalisent à l'arrêt du gluten
Les patients sensibles au gluten ont suivi un régime alimentaire excluant le blé et les céréales apparentées pendant six mois. Ils ont vu leurs niveaux d'activation immunitaire se normaliser. Ces changements ont été associés à une amélioration significative des symptômes intestinaux et non-intestinaux. "Les données suggèrent que, à l'avenir, nous pourrions être en mesure d'utiliser une combinaison de biomarqueurs pour identifier les patients souffrant d’une sensibilité au gluten non-coeliaque, et de suivre leur réponse au traitement", a déclaré le Dr. Alaedini .
"Ces résultats font évoluer nos connaissance et la compréhension du problème. Ils auront probablement des conséquences importantes pour le diagnostic et le traitement", a ajouté Umberto Volta, co-auteur et professeur de médecine interne à l'Université de Bologne.
Mais pourquoi le gluten entraîne-t-il ces réactions ? C’est ce que veulent savoir les scientifiques. Dans futur, le Dr Alaedini et ses équipes entendent travailler sur les mécanismes responsables des dommages intestinaux et de la violation de la barrière épithéliale. "Compte tenu du grand nombre de personnes touchées par le problème et son impact significatif sur la santé, c'est un domaine de recherche important qui mérite beaucoup plus d'attention et de financement", a conclu le chercheur italien.
Source : "Intestinal cell damage and systemic immune activation in individuals reporting sensitivity to wheat in the absence of celiac disease", Gut, 25 juillet 2016