Jessica, atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos, témoigne
"Chaque jour, lorsque j'ouvre les yeux, j'ai l'impression de ressusciter d'une mort violente". Jessica souffre, depuis plusieurs années, du syndrome d'Ehlers-Danlos. Une anomalie génétique du tissu conjonctif qui concerne une naissance sur 5000.
Entorses à répétition, douleurs et fatigue chronique sont le quotidien de Jessica. Les articulations de Jessica sont particulièrement touchées et instables en raison de la présence de collagène dans les ligaments et les tendons qui relient les os d'une articulation. Elle souffre du syndrome d'Ehlers-Danlos, une maladie rare qui peut revêtir plusieurs formes. Jessica est atteinte de la forme hypermobile, la plus fréquente. La jeune femme de 28 ans a accepté de témoigner.
- Comment se manifeste le syndrome d'Ehlers-Danlos dont vous souffrez ?
"Je suis atteinte du type 3 du syndrome d'Ehlers-Danlos, hypermobile. C'est le plus répandu. Il se manifeste par beaucoup de subluxations, luxations, de fausses entorses qui sont invisibles à l'examen radiologique. Je souffre aussi de problèmes gastro-intestinaux et respiratoires.
"Je suis reconnue handicapée à 80% avec mention "besoin d'accompagnement". Je peux marcher sur de très courtes distances sur du plat, mais cela devient vite très douloureux (douleurs dans le dos, subluxations répétitives). La fatigabilité excessive constitue aussi un lourd handicap dans la mesure où je ne suis pas "endurante". J'ai besoin de faire des pauses. Tout demande un énorme effort, même manger, parler."
- Quand avez-vous été diagnostiquée ?
"J'ai été diagnostiquée à l'âge de 24 ans, il y a 4 ans. Mais les premiers symptômes sont apparus dans l'enfance. A 6-7 ans, j'étais déjà sujette à des entorses et suite à une douleur au genou, j'avais de grandes difficultés à marcher. Pourtant, les médecins sont restés sourds face à ma détresse. Ils pensaient que je souffrais de troubles psycho-somatiques, dus à un besoin d'attention. Mes entorses se sont multipliées après une chute d'escalier sur mon lieu de travail, à l'âge de 23 ans. Une sensation de paralysie me prenait par moment au niveau des jambes. Malgré ces symptômes, les médecins se sont obstinés à y voir un problème psychologique.
"Puis, un jour, mon petit frère s'est luxé l'épaule lors d'une activité sportive. Il avait 18 ans. Il manifestait les mêmes symptômes que moi. Les médecins le disaient "déprimé de nature". Je ne pouvais pas entendre cela pour mon frère, alors j'ai décidé de faire des recherches sur Internet et je suis tombée sur une association de malades qui m'a dirigée vers le service du Professeur Hamonet de l'hôpital Hôtel-Dieu, à Paris, dont le service est menacé de fermeture. Nous avons consulté et ils nous a alors annoncés que nous étions atteints du syndrome d'Ehlers-Danlos."
- D'autres membres de votre famille sont-ils atteints par ce syndrome ?
"J'ai deux frères. Ils souffrent tous les deux du syndrome d'Ehlers-Danlos. Nos parents n'ont pas développé la maladie. Ils sont présents à nos côtés."
- Quel traitement suivez-vous ?
"J'utilise des orthèses et je pratique l'oxygénothérapie (Oxygène + percussionaire). Les médicaments contre la douleur ne sont pas efficaces. Ils ne soulagent pas. Et pourtant, j'ai eu recours à des antidouleurs très puissants mais rien n'y fait. La douleur reste."
- A quoi ressemble votre quotidien ?
"Lorsque j'ouvre les yeux, j'ai l'impression de ressusciter d'une mort violente (comme une chute du 30ème étage). Mon lit médicalisé me permet de me lever en douceur, c'est pratique. Avant, mon mari s'en chargeait mais c'était trop douloureux. J'arrive à me débrouiller seule pour m'habiller, me doucher et me maquiller. Mais pour d'autres tâches, j'ai besoin d'aide. Par exemple, je ne peux pas couper ma viande seule, alors c'est mon mari qui le fait. Il est attentif à mes besoins.
"Par ailleurs, je travaille en tant qu'animatrice dans un centre de loisirs. Je me déplace en fauteuil électrique. Les enfants font preuve d'empathie. Ils savent que je fatigue vite, ils sont plus indulgents avec moi."
"En dehors de mon travail, j'anime un blog de loisirs créatifs. J'ai fait les beaux-arts. Je suis un peu une artiste. Je fais ce que mes petites mains me permettent de faire. Lorsque ma dextérité s'affaiblit, j'arrête. Il est important de connaître ses limites avec cette maladie. On paie chaque petit excès."
- Comment vivez-vous le fait d'être atteint de cette maladie ?
"Je me considère comme une personne génétiquement modifiée. Je ne peux en vouloir à personne, il y a juste eu un bug dans ma fabrication. Il y a des jours où les choses sont un peu plus compliquées. Notamment, lorsque mon corps est torturé par la douleur, je ressens comme une injustice. Mais, malgré la difficulté, je suis une grande optimiste. N'étant pas la seule à être atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos au sein de ma famille, je me sens comprise et je suis entourée.
"Mon travail me donne beaucoup d'espoir. Je suis heureuse d'inculquer des valeurs aux enfants. Je suis pleine de bonheur lorsqu'ils me disent "tu es la meilleure animatrice du monde"."
- Comment voyez-vous l'avenir ?
"L'invention d'une potion magique contre la douleur serait une vraie avancée. Le handicap est une chose, mais la douleur est vraiment insupportable.
"Avec mon mari, nous avons le projet d'avoir un enfant. Mais, j'ai décidé de ne pas le mettre au monde moi-même. Mon enfant aurait 50% de chances d'avoir cette maladie, et je ne veux pas lui imposer cette souffrance. Alors, nous avons décidé d'adopter un enfant."