"40% des dépressifs ne sont pas pris en charge"
Selon la Haute Autorité de Santé, le traitement repose trop souvent uniquement sur les antidépresseurs. Les explications du Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS.
Une personne sur cinq souffre dans sa vie d'un épisode dépressif. Les médecins généralistes sont en première ligne pour détecter les patients atteints de cette maladie. La Haute Autorité de Santé (HAS) publie de nouvelles recommandations pour les aider à améliorer la prise en charge de la dépression. Les explications du Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS.
- Pourquoi est-ce difficile de diagnostiquer une dépression ?
Dr C. Grouchka : "40% des dépressifs ne sont pas pris en charge : soit les diagnostics sont portés à tort, soit ils ne sont pas diagnostiqués. Nos recommandations sont des outils concrets que les généralistes ont élaborés avec nous. Ce sont des arbres décisionnels, des tableaux décisionnels… Ce sont des outils extrêmement simples pour qu’ils puissent comprendre qu’il faut rechercher un certain nombre de symptômes pour caractériser une dépression : l’humeur dépressive, les problèmes de concentration, d’appétit, les troubles du sommeil, des idées suicidaires ou pessimistes, une perte d’estime de soi, d’intérêt, d’énergie… A partir de ça, il faut extraire des éléments pour caractériser la dépression. Il faut que ces éléments soient présents tous les jours, plus de deux semaines et avec une intensité suffisante pour avoir un impact dans le quotidien. Surtout, les généralistes doivent évaluer le degré de la dépression, car en fonction de cela, les traitements seront différents."
A lire aussi : Dépression : une prise en charge insuffisante
- Quelles sont les personnes les plus à risque ?
Dr C. Grouchka : "Les personnes âgées car le risque suicidaire est très important et que le diagnostic est compliqué. On a aussi les femmes enceintes avec le risque de confondre le baby blues avec une vraie dépression."
- Les médecins généralistes prescrivent-ils trop facilement des antidépresseurs ?
Dr C. Grouchka : "On n’a pas aujourd’hui de prescriptions délirantes d’antidépresseurs. On est très loin d’être aujourd’hui le champion d’Europe des prescriptions d’antidépresseurs. C’est une idée reçue. C’était vrai il y a 15 ans. On est passé du 1er au 15ème rang en 15 ans. Le problème, c’est la répartition des traitements entre ceux qui doivent être traités et qui ne le sont pas, et ceux qui sont traités alors qu’ils ne devraient pas. Par exemple, un tiers des dépressions sévères qui doivent être sous prescription d’antidépresseurs ne le sont pas."
- Dans vos recommandations, vous pointez du doigt le manque de suivi psychologique des patients dépressifs. Actuellement, les consultations chez un psychologue ne sont pas remboursées. La Sécurité sociale doit-elle les prendre en charge ?
Dr C. Grouchka : "Nous sommes très conscients de ces problèmes organisationnels. Le socle des traitements avant les antidépresseurs, c’est le soutien psychologique et le suivi régulier. Ce sont les deux piliers. Le soutien psychologique peut être réalisé par le médecin généraliste, par le psychologue ou le psychiatre. Il peut y avoir des obstacles. Mais, c’est l’organisation des soins qui doit s’adapter à la bonne pratique. Il y a deux expérimentations menées par l’Assurance maladie sur la prise en charge psychologique d’un côté et la prise en charge du soutien psychothérapique par les médecins généralistes de l'autre. Bien évidement, ces éléments vont permettre d’adapter notre pratique dans le concret."