L'espoir d'une nouvelle molécule pour soigner la dépression
La kétamine, découverte dans les années 1960, serait efficace chez les patients insensibles aux traitements classiques et ceux qui cherchent à se suicider.
En cas de dépression résistante au traitement, la kétamine pourrait apporter une nouvelle réponse thérapeutique. D'abord utilisée comme anesthésiant, avant d'être détournée par certains fêtards en quête d'expériences hallucinogènes, cette molécule compléterait l'action des antidépresseurs classiques.
Au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris, des chercheurs participent à deux essais cliniques de phase III, dernière étape avant de pouvoir solliciter l'autorisation de mise sur le marché. L'un évalue l'efficacité de la kétamine pour des patients dont les troubles persistent malgré deux premières tentatives de traitements. L'autre porte plus spécifiquement sur les pulsions suicidaires. "C'est le risque majeur de la dépression, explique le Dr Pierre de Maricourt, psychiatre en charge de l'essai clinique. En France, on compte plusieurs milliers de suicides par an. La kétamine a une action "suicidolytique" (qui supprime le suicide ndlr) qui permettrait de réduire drastiquement ce risque, avec l'apparition d'un effet au bout de seulement 40 minutes".
Les antidépresseurs habituels agissent sur la sérotonine et la dopamine. La kétamine, elle, sur un neurotransmetteur spécifique : le glutamate. Utilisée sous forme de spray nasal, ou en injection intraveineuse selon les essais, elle semble efficace dans près de 80% des cas. Lorsque le patient est pris en charge au moment d'une crise où il veut intenter à ses jours, son intérêt serait d'apporter une réponse presque immédiate alors que les traitements classiques exigent entre quatre et six semaines de patience avant d'améliorer les symptômes.
Même si elle semble bien tolérée, ses éventuels effets secondaires restent à préciser. "Nous avons observé des effets cardiovasculaires très transitoires notamment une augmentation du rythme cardiaque, juste après l’administration de la kétamine, précise le Dr Pierre de Maricourt. Des symptômes dits de dissociation, et de dépersonnalisation peuvent également survenir. On s'interroge encore aujourd'hui sur la tolérance à long terme de cette molécule avec d'éventuels risques d'addiction ou de neurotoxicité. Les études de sécurité ne sont pas suffisantes".
Aujourd'hui, aucun pays n'autorise la kétamine pour soigner la dépression. Mais aux Etats-Unis, l'agence du médicament étudie actuellement l'éventualité de sa mise sur le marché. En France, les demandes d'autorisation pourraient être réalisées d’ici quelques années.