En Seine-Saint-Denis, les répercussions psychiatriques du confinement
Les conditions de confinement sont difficiles à supporter pour les habitants de la Seine-Saint-Denis, durement touchée par l'épidémie. Les établissements psychiatriques du département font face à une vague de patients en détresse.
Cinq semaines après le début du confinement, les psychiatres de la Seine-Saint-Denis, en région parisienne, sont confrontés à une arrivée inhabituelle de patients. Chaque jour, les équipes des urgences psychiatriques de l’hôpital Delafontaine accueillent une dizaine de patients contre environ sept en temps normal. Et ils craignent que ce nombre augmente. De plus, si certaines de ces personnes étaient déjà connues des équipes, d’autres arrivent en psychiatrie pour la première fois.
"Symptomatologie de crise"
Les symptômes sont lourds. "On a des patients qui arrivent avec une symptomatologie de crise. Des recrudescences anxieuses, dépressives, des troubles de l’humeur, détaille le Dr Fayçal Mouaffak, psychiatre à l'établissement public de santé de Ville-Evrard. En ce moment, il y a un nombre important d'épisodes psychotiques aigus, de bouffées délirantes. Elles se déclenchent chez des personnes en grande vulnérabilité, qui vivent dans la précarité, sont carencées affectivement ou ont des difficultés d'insertion. Et qui se retrouvent livrées à elles même."
Réorganisation des structures d'accueil
Pour soigner ces personnes, les équipes se sont organisées en créant des unités Covid et des unités d’accueil qui prennent en charge les patients avant de déterminer s’ils sont contaminés ou pas par le coronavirus.
En pédopsychiatrie aussi les soignants on dû s’adapter. En limitant l’accès aux hôpitaux de jour, en organisant des consultations à distance et en augmentant le nombre de lits d’hospitalisation. Une unité spécifique a été ouverte pour accueillir les enfants. "On a augmenté notre capacité en lits de quasiment 30%. Et aujourd'hui tous les lits sont pleins", indique le Dr Noël Pommepuy, pédopsychiatre à l'établissement public de santé de Ville-Evrard. Des situations familiales extrêmement fragiles se font jour. "Des patients ont des pathologies ou des symptomes importants : de l' hyperactivité, une agitation, une agressivité, des troubles autistiques avec des retards intellectuels, En situation de confinement, ils ne peuvent pas sortir et ne peuvent pas s'isoler. Ils perdent leurs repères habituels. Leurs parents sont souvent épuisés."
Des soignants d'autres régions en renfort
Pour aider les établissements les plus touchés, des soignants d'autres hôpitaux sont venus prêter main-forte. Ils ont été transportés par avion grâce à une ONG : la plupart d’entre eux sont originaires du sud-ouest de la France. Ils ont découvert des conditions de vie et de confinement très différentes de celles de leurs régions d’origine. "Entre quelqu'un confiné dans son département rural, avec un jardin et une piscine - ce n'est évidemment pas le cas de tout le monde- et quelqu'un confiné dans le 93, avec 5 ou 6 autres personnes dans un 30 m2, il y a une très grande différence, constate Gaël Schmitz, interne en psychiatrie au Centre Hospitalier Départemental La Candélie (Lot-et-Garonne). Et en Seine-Saint-Denis, il n'y a pas forcément l'offre sanitaire nécessaire pour répondre à la demande de soins."
Ces soignants envoyés en renfort ont pu soulager les équipes, épuisées par la crise actuelle."Honnêtement, je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi catastrophique, admet Célia Vidal, infirmière en psychiatrie au Centre Hospitalier Départemental La Candélie. Ca a vraiment été un choc le premier jour. Je suis admirative des équipes : elles ont tenu bon. On est là pour les aider à souffler."
Pour le moment, 21 soignants sont venus renforcer les équipes de l’Etablissement de Ville-Evrard en Seine Saint Denis. Ils restent sur place deux semaines avant de retourner dans leur établissement d’origine.