Radicalisation et psychiatrie : le secret médical en question
Des psychiatres et des associations de patients protestent contre l'élargissement de l'accès à un fichier national des personnes internées en établissement psychiatrique sans consentement dans le cadre de la lutte contre la radicalisation.
"Jeter le voile de la suspicion sur les personnes ayant des troubles psychiatriques en les assimilant à des personnes radicalisées renforce le regard stigmatisant que porte la société", ont estimé lundi une association d'établissements de santé mentale, l'ADESM, et deux associations de patients et de familles, la Fnapsy et l'Unafam.
Elles s'élèvent contre la parution le 23 mai d'un décret qui autorise les traitements de données personnelles (identité, date et lieu de naissance, coordonnées des médecins...) des patients ayant subi des "soins psychiatriques sans consentement".
Ces données sont recueillies dans le cadre d'un fichier déjà existant, nommé Hopsy. Le décret étend sa portée, comme le prévoyait le "Plan national de prévention de la radicalisation" jihadiste dévoilé le 23 février par le Premier ministre Édouard Philippe.
Menace sur le secret médical
Le décret du 23 mai allonge à trois ans la période de conservation de ces données sensibles, et rend possible une "consultation nationale des données collectées dans chaque département". Celles-ci pourront être consultées par certains destinataires listés dans le décret (préfets, procureurs, maires...), par le biais des Agences régionales de santé (ARS).
"Avec ce décret, c'est le secret médical et le processus de soins qui sont menacés", dénoncent les trois associations signataires du communiqué. "Nous, patients, proches, soignants, demandons une modification de ce décret afin que les données soient anonymisées", concluent-elles.
Peur d'un amalgame entre maladie psychique et terrorisme
Le lien entre santé mentale, radicalisation voire attentats est une question polémique. En août, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb avait dit vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres "pour identifier les profils qui peuvent passer à l'acte". Il estimait qu'"à peu près un tiers" des personnes signalées pour radicalisation "présentent des troubles psychologiques".
Nombre de psychiatres s'étaient élevés contre ces propos. L'Ordre des médecins avait rappelé "la nécessité absolue de préserver les principes fondamentaux de l'exercice professionnel, en particulier celui du secret médical".
avec AFP