8 idées reçues sur la schizophrénie
Affection complexe et stigmatisée, la schizophrénie est l'objet de nombreuses idées reçues. Les Journées de la schizophrénie sont l'occasion de faire le point sur ces préjugés pour mieux comprendre la maladie.
- La schizophrénie, c'est le dédoublement de la personnalité
"Cela n'a rien à voir, explique le Dr Dr David Misdrahi, psychiatre, chercheur et responsable du centre expert Schizophrénie fondamental. Le mot schizophrénie a une étymologie grecque qui signifie pensée coupée et qui a débouché sur l'idée de dédoublement de personnalité.
Mais la schizophrénie se décompose en trois grands domaines symptomatiques : les symptômes positifs, comme les délires et les hallucinations, la désorganisation de la pensée et les symptômes négatifs tels que le repli sur soi. Cela n'a donc rien à voir avec le dédoublement de la personnalité, qui ne veut rien dire en soi pour les psychiatres..."
- On devient schizophrène en consommant du cannabis
"Ce n'est pas si simple ! s'exclame le Dr Misdrahi. 40% des jeunes auront une expérience de cannabis mais ils ne vont pas développer une schizophrénie. Le cannabis vient révéler la maladie chez une personne qui a une vulnérabilité préexistante."
Cette vulnérabilité n'étant pas connue à l'avance, il vaut mieux s'abstenir...
- Les schizophrènes entendent des voix
La schizophrénie se manifeste différemment d’un patient à l'autre. "Certains patients peuvent avoir des hallucinations le plus souvent auditives même si elles peuvent toucher tous les sens, mais tous n'en ont pas, abonde le Dr Misdrahi. Il y a des hallucinations très variables et plus ou moins tolérables. La perception d’un bruit de ventilateur par exemple ne va pas avoir les mêmes répercussions qu’une injonction suicidaire."
Le psychiatre conseille aux proches d'un patient schizophrène de rester neutres, sans abonder dans le sens du délire et des hallucinations. "Il faut essayer de lui faire prendre conscience que c'est une manifestation de la maladie, car les patients n'en ont pas toujours conscience, et de lui dire de se faire aider."
- La schizophrénie est héréditaire
"Ce n'est pas une maladie qui se transmet par un gène unique, précise le psychiatre. Il y a des gènes de susceptibilité à la maladie et il y a l'environnement qui peut agir sur l'expression des gènes, comme une infection durant la grossesse, la consommation de cannabis,...."
L'étude des jumeaux monozygotes, qui partagent le même patrimoine génétique, illustre bien la composante génétique : "dans la population générale, la prévalence de la schizophrénie est de 0,7 à 1%, détaille le Dr Misdrahi. Pour un jumeau monozygote, on passe à 30% de risque de développer une schizophrénie si l'autre jumeau est atteint."
- La schizophrénie se déclare forcément à l'adolescence
"Elle se déclare plus fréquemment entre 15 et 25 ans, chez le jeune adulte, confirme le psychiatre. Mais il y a des formes précoces, en général sévères, qui commencent vers 13 ans, ou plus tardives, après 35 ans. Elles touchent alors souvent les femmes et sont de meilleur pronostic."
- Les schizophrènes sont froids et repliés sur eux-mêmes
"Il peut en effet y avoir un émoussement affectif, qui est une diminution ou une absence d’expression des émotions, mais cela ne concerne pas tous les patients, modère le Dr Misdrahi. La froideur affective ne signifie pas qu'ils ne ressentent rien car ils ressentent des émotions, ils sont anxieux mais ils ont du mal à mémoriser les évènements de vie négatifs ou positifs, ce qui explique en partie la perte de motivation dont ils peuvent souffrir.
Le repli social existe aussi avec l’émoussement des affects. Ces deux symptômes font partie des symptômes négatifs de la maladie, qui sont particulièrement invalidants."
Des prises en charge spécifiques en groupe ou en hôpital de jour, permettent de lutter contre ce repli social.
"Parfois cette indifférence affective peut être induite par certains médicaments et il faut faire attention aux nombres et doses de médicament, complète le Dr Misdrahi. ... Et les proches peuvent agir en demandant à la personne souffrant de schizophrénie ce qu'elle ressent."
- Les schizophrènes sont dangereux
"Les patients souffrant de schizophrénie sont surtout dangereux pour eux-mêmes, déplore le Dr Misdrahi. 7% décèdent par suicide... Ils se soignent moins bien pour leurs problèmes physiques : ils meurent 14 ans plus jeunes que la population générale car ils ont un moins bon accès aux soins."
Néanmoins, selon le psychiatre, on ne peut pas nier la dangerosité, souvent sous-tendue par un délire ou un sentiment de persécution. "Les violences sont souvent limitées au milieu intrafamilial et dans la très grande majorité des cas, liées à des consommations d'alcool et de cannabis, forts pourvoyeurs de violences. Cela reste rare mais cela défraie la chronique..."
- C'est la famille qu'il faut soigner, pas le schizophrène...
"Pendant longtemps on a rendu responsable les mères mais c'est dépassé, analyse le psychiatre. Il faut aider les familles, plutôt que de les culpabiliser ! Beaucoup d’aidants sont déprimés, plus souvent en arrêt-maladie et ils divorcent davantage à cause de la maladie de leur proches. Il y a des programmes de psycho-éducation destinés aux aidants pour alléger le poids lié à la maladie. "
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