Maltraitance en EHPAD : "Rien n'empêche d'installer une caméra si la personne âgée est d'accord"
Un aide-soignant d'un Ehpad d'Arcueil (Val-de-Marne) est poursuivi pour avoir maltraité et violenté une pensionnaire de 98 ans. Des faits révélés par une caméra installée dans la chambre de la victime par sa famille.
L'affaire a commencé par des soupçons de la part des enfants de la vieille dame, qui s'était plainte à plusieurs reprises d'avoir été "tabassée". S'inquiétant d'éventuelles maltraitances, ceux-ci ont installé au début du mois de février une caméra dans la chambre de leur mère. Les vidéos, filmées sur trois jours, révèlent des scènes d'une grande violence.
Romain Gizolme, directeur de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Quelle est votre réaction face à ces images ?
Romain Gizolme : "Une émotion assez insoutenable et puis évidemment, j'ai une pensée pour cette dame, pour sa famille, pour les professionnels aussi qui vivent une situation particulièrement pénible, difficile. La direction a mis à pied le salarié concerné, a fait des signalements au Procureur de la République dès qu'ils ont eu connaissance des faits. Ce sont évidemment des actes inacceptables et qui restent heureusement exceptionnels."
- Au-delà de cet acte qui semble isolé, le manque cruel de personnel qui touche tous les Ehpad ne peut-il pas favoriser la maltraitance ?
Romain Gizolme : "Il faut distinguer deux situations : cette situation très exceptionnelle qui relève d'un individu qui agit isolément et il y a la situation de l'aide aux personnes âgées en général, que ce soit en établissement ou à domicile, où nous savons depuis vingt ans qu'il y a un sous-effectif chronique : il manque la moitié du personnel et donc oui, cela implique des situations où l'on accompagne pas suffisamment bien les personnes âgées au quotidien. C'est important que l'Etat, suite à la grande concertation grand âge-autonomie qu'il a lancé depuis peu, agisse et mette en place des mesures concrètes dès 2019 dans le cadre de la loi qu'a promis le président de la République."
- Vous conseillez aux proches d'installer des caméras dans la chambre des personnes âgées dépendantes ?
Romain Gizolme : "Je ne sais pas s'il faut le conseiller... Il est indéniable que dans cette situation, cela a permis d'avoir des éléments suffisamment probants pour mettre un terme aux agissements de ce professionnel. Après, la question est de savoir si les personnes concernées, qui pourraient faire l'objet de l'installation de ces caméras, sont d'accord. Rien n'empêche d'installer des caméras dans son logement, que l'on vive en EHPAD ou à domicile, mais est-ce que la personne âgée elle-même est d'accord, est-ce qu'elle consent ? C'est un élément éthique essentiel à considérer avant d'installer ce type de matériel."
- Quels sont les signes qui peuvent alerter sur ce type de violences en établissement ?
Romain Gizolme : "Il faut considérer ce que disent les personnes concernées, que ce soit en établissement ou à domicile. Que disent-ils de leur quotidien ? Avec plus ou moins de difficultés à l'exprimer mais en tout cas qu'est-ce qu'ils en disent par leur comportement. Ensuite, il faut prendre le temps pour faire des points réguliers avec les équipes de professionnels, la direction, les salariés."
- En cas de doute, quels sont les recours ?
Romain Gizolme : "Il faut clairement demander un rendez-vous avec la direction ou les responsables de la structure si c'est à domicile pour faire des bilans réguliers. Il y a aussi dans des cas plus graves, des instances de signalement dont la plateforme téléphonique 3977."