Seniors : attention à la surmédication
Chez les personnes âgées, la médication utilisée pour traiter tous types de pathologies, est souvent excessive. Alors comment diminuer cette surconsommation qui peut s'avérer nocive pour la santé ?
Le nombre de maladies augmentant avec l’âge, il n’est pas surprenant que le nombre de médicaments augmente aussi. Ce phénomène n’est pourtant pas sans conséquences et parfois dramatique.
Un phénomène récent lié à une pharmacopée plus abondante
Voltaire disait déjà : "Les médecins prescrivent des drogues qu’ils connaissent peu pour des maladies qu’ils connaissent mal à des patients qu’ils connaissent encore plus mal".
On décrit sous le nom de iatrogénie, l’ensemble des événements négatifs provoqués chez un patient par un acte médical. Les patients de plus de 65 ans prennent, en moyenne, 4,4 médicaments par jour et souvent beaucoup plus.
La iatrogénie est responsable de 20% des hospitalisations après 80 ans : troubles digestifs ( nausées, vomissements, anorexie), Hémorragies (anticoagulants), Déshydratation (diurétiques), Hypotension orthostatique, Interactions médicamenteuses etc... Parfois plus graves : AVC, troubles du rythme etc...
Le rôle du pharmacien
Une étude récente parue dans PLOS en mai 2019 rapporte une initiative intéressante. En collaboration avec le médecin, le pharmacien réalise "une analyse pharmaceutique". L’analyse de médication clinique consiste à mener une étude formalisée du dossier pharmaceutique des patients chroniques et à améliorer les problèmes liés à la polymédication.
- Elle repose sur un entretien pharmaceutique avec le patient permettant de dresser le bilan de ses problèmes de santé (douleur, mobilité, fatigue ...), de ses préférences et des traitements reçus.
- Le pharmacien a ensuite un entretien avec le médecin traitant pour discuter de tous ces éléments et évoquer les ajustements possibles.
- Il établit ensuite avec le patient un plan d'accompagnement fixant des objectifs de santé (réduire la douleur, par exemple) et un suivi régulier.
Ce travail comparatif néerlandais a été fait dans 35 officines, sur 629 patients de plus de 75 ans prenant, en moyenne 7 médicaments par jour.
Une collaboration médico-pharmaceutique
Les résultats assez modestes mais intéressants au bout de 6 mois, sont comparés au groupe témoin, on note alors :
- Une amélioration de la qualité de la vie sur une des échelles utilisées.
- Une diminution du nombre de médicaments légèrement plus importante : retrait de 1,5 à 1,7 médicaments comparés à 1 à 1,4 dans le groupe témoin.
- Des objectifs fixés par le patient atteints dans 37 à, 43% des cas.
En revanche, on ne retrouve pas dans ce travail une véritable analyse de la iatrogénie. Son intérêt, en revanche, est qu’il repose sur une collaboration médico-pharmaceutique et qu’il est centré sur les propres objectifs du patient (ex, calmer la douleur).
Comment diminuer la iatrogénie ?
Les principes sont clairement établis :
- Identifier les facteurs de risque : âge> 65 ans, dénutrition, insuffisance rénale, troubles cognitifs, isolement qui demandent une surveillance et des ajustements de doses.
- Traiter le patient sur un diagnostic précis de la ou les maladies et non sur les seuls symptômes.
- Hiérarchiser les prescriptions en privilégiant les médicaments indispensables et en négociant avec le patient le retrait de médicaments uniquement de confort.
- Éviter les interactions médicamenteuses.
Tout cela repose sur le dialogue et les rapports de confiance que noue le médecin avec son patient de telle sorte qu'on puisse éviter :
- La surconsommation ex : plus de 7 médicaments par jour (overuse).
- Les prescriptions inappropriées (misuse).
- La sous-prescription (underuse) de médicaments efficaces, voire indispensables. (ex bétabloquants ou IEC dans l’insuffisance cardiaque, anticoagulants dans la fibrillation atriale etc …) pourtant nécessaires chez le patient très âgé.