Seniors : les idées reçues à combattre
Trop d'idées fausses persistent sur la vieillesse. Antoine Piau, médecin gériatre, les désamorce pour nous.
L’augmentation de la longévité est une révolution qui draine avec elle son lot de stéréotypes, liés aux peurs qu’elle engendre. Le vieillissement est souvent perçu par ses aspects négatifs.
- Est-il normal de perdre ses facultés mentales en vieillissant ?
C'est une idée bien ancrée, y compris chez les médecins. Le fait que le nouveau président des USA ait 78 ans ne perturbe pas outre mesure les gens pas plus que les médecins.
L'âge avançant, il est beaucoup plus probable d’avoir des problèmes de santé qui ont un impact sur les facultés intellectuelles, comme avec la maladie d'Alzheimer, les AVC, les traumatismes crâniens, la maladie de Parkinson...L'alcool et les medicaments sont aussi en cause. Pour autant, il n'y a pas de lien de causalité entre le vieillissement et les pertes de mémoire, il y a de nombreux centenaires très en forme.
- Est-il normal de tomber lorsqu'on est vieux ?
Les gens ne tombent pas -ou peu- quand tout va bien, quand ils n'ont pas de problèmes de santé graves, quand ils ne sont pas ivres. Les personnes se contentent souvent d’une explication très superficielle pour expliquer une chute chez un senior : tapis, chien, etc…
Si les problèmes sous-jacents ne sont pas identifiés, de multiples causes modifiables sont laissées de côté alors qu'elles pourraient changer la vie de ces personnes : causes sensorielles, faiblesses musculaires dues à la dénutrition, somnifères qui n’ont pas cessé d’agir au réveil, etc.
- Il est normal de devenir dépendant avec l’âge
Plus de 60% des personnes de plus de 75 ans n’ont aucune aide et moins de 10 % ont besoin d'une aide importante. Il ne faut pas se satisfaire de l’explication simpliste de l’âge chronologique, au risque de passer à côté de beaucoup de diagnostics. Les prises en charge médicamenteuses aident à bien vieillir car même à 80 ans, certaines personnes ont encore 15/20 ans à vivre en bonne santé devant elles.
- Attention au moindre effort chez les personnes âgées sportives
L'activité aérobie -d’endurance - est clairement à promouvoir pour la qualité de vie, du sommeil, pour l'autonomie, le moral... Ce n'est pas traumatique, et cela n'a aucun effet indésirable. De plus en plus, des exercices de résistance, de force, voire de la musculation sont proposés, sans oublier la relaxation, le yoga, le tai-chi qui ont aussi leurs vertus. Donc non, il ne faut pas avoir peur de l'effort pour les personnes âgées.
- Les personnes âgées ne font rien, elles restent chez elles à regarder la télé
Certains seniors sont mal compris des autres, le monde les rejette, les gens ne les comprennent pas, ils préfèrent rester seuls devant leur télé... un peu comme des adolescents. Ce n'est pas vrai pour la majorité d'entre eux ! Quand elles n’ont pas de maladies invalidantes sévères, les personnes âgées ont des emplois du temps de ministre. Elles font beaucoup de choses et se rendent très utiles pour la société.
Le nombre, l'intensité et la qualité des contacts sociaux est tout aussi important que la tension artérielle ou le résultat d'une prise de sang en termes de qualité du vieillissement. Plus les seniors se sociabilisent et moins ils risquent des ennuis de santé. Plus le réseau social est vaste, moins les démences apparaissent, moins il y a de dépendances.
- Avec l’âge on est de moins en moins considérés comme des personnes
Les gens sont parfois malveillants et disent : "Les personnes âgées ne comprennent rien", "Elles sont méchantes et inutiles pour la société, "Elles sont une charge" et parfois ils sont bienveillants : "Ils sont mignons, les maminettes et papinous"... Dans les deux cas, c'est un déni de personnalité.
Dire qu' ils sont tous gentils et mignons c’est tout aussi dérangeant que de dire qu'ils sont tous détestables. Il y a des jeunes admirables et des jeunes inintéressants, il y a des "vieilles" perles et des "vieux" méchants, qui restent des personnes.
L'âge est un concept encore flou, surtout l’âge physiologique. Il fait souvent office d’explication ou de prétexte commode par les uns et les autres et cela peut avoir des conséquences, aussi bien en médecine que dans la vie de tous les jours.