Vaccination anti-Covid : vos questions / nos réponses
Plusieurs laboratoires ont annoncé la fin des essais cliniques pour leur candidat-vaccin contre la Covid. Mais de quelle manière ce vaccin peut-il être distribué dans la population ?
Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis, et Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité à l’Institut Pasteur, étaient sur le plateau de l’émission Allodocteurs le 24 novembre. Ils ont répondu à toutes vos questions sur les vaccins à venir contre la Covid.
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Combien d’injections seront nécessaires pour se faire vacciner ?
Pr Anne-Claude Crémieux : Ces vaccins se feront en deux injections, espacées de 15 jours à un mois. Le seul vaccin qui avait misé sur une seule injection était celui de Johnson & Johnson, qui vient d’entrer en phase 3 … avec deux injections.
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Peut-on espérer les premières vaccinations en janvier ?
Pr Olivier Schwartz : C’est ce qui est prévu. L’Europe a acheté des millions de doses, les autres Etats aussi. L’objectif est d’aller très vite. Je suis impressionné par les sauts technologiques et surtout par le fait que ce virus est facile à neutraliser. La spicule, la protéine de surface S, permet de générer facilement des anticorps.
On le voit lorsqu’on prélève des échantillons de patients infectés de façon naturelle : jusqu’à six mois, on observe chez eux une bonne activité des anticorps.
Faudra-t-il vacciner les personnes qui ont été malades mais ont guéri ?
Pr Schwartz : Je pense que oui. On sait que les personnes guéries ont des anticorps protecteurs, mais il n’y a pas de risque à avoir trop d’anticorps. Comme tous les vaccins les plus avancés fonctionnent avec une double injection, on peut même imaginer que le fait d’avoir eu une première infection va faciliter l’apparition d’anticorps. Peut-être même sur une durée différente que pour une infection naturelle.
Pr Crémieux : Dans les phases 4, celles de surveillance, on injectera aussi les vaccins à des personnes qui auront déjà des anticorps. On pourra obtenir une réponse plus précise à ce moment.
Où pourra-t-on se faire vacciner ?
Pr Crémieux : Notre expérience de la vaccination H1N1 n’était pas passée par les médecins généralistes mais par de grands centres de vaccination. Nous n’avons pas utilisé le référent confiance très fort que représente le médecin généraliste et la population ne s’est pas vaccinée en masse.
Toutefois, deux candidats-vaccins ont besoin d’être conservés à -70 degrés, et les médecins généralistes ne sont pas équipés pour cela. Je pense que les autorités sanitaires vont utiliser un système mixte, et laisser aux médecins généralistes les vaccins qu’on peut administrer sans congélateurs.
Quels vaccins seront-ils disponibles ?
Pr Crémieux : Ce n’est pas certain que plusieurs types de vaccins arrivent en même temps. A ce jour, les seuls qui ont rendu publiques les données complètes pour une autorisation urgente, c’est Pfizer, dont le vaccin doit être conservé à -70 degrés. Moderna n’a donné qu’une partie de ses résultats, comme AstraZeneca. Il n’est pas exclu qu’on obtienne ces vaccins successivement, sous forme de vagues.
Les personnes de moins de 30 ans sans pathologie connue auront-elles intérêt à se faire vacciner ?
Pr Crémieux : Pour qu’elles y aient intérêt, il faudrait que le vaccin prévienne non seulement la maladie, mais aussi la transmission. Nous n’avons pas de certitude à ce niveau, seulement des éléments qui permettent de le penser grâces à des études chez l’animal. Mais c’est un élément central, car cela pourrait permettre d’interrompre la circulation du virus.
Connaît-on les effets secondaires des vaccins déjà en lice ?
Pr Schwartz : On a des retours pour Pfizer et Moderna. Les effets secondaires touchent de 2 à 5% des volontaires et sont souvent plus marqués à la 2e injection, avec de la fièvre, des réactions locales, des douleurs musculaires … Mais tout est affaire de bénéfice/risque, tous ces effets sont modérés.
Quel délai faut-il pour juger des effets secondaires graves des vaccins ?
Pr Crémieux : D’une façon générale, on sait que les effets indésirables surviennent assez rapidement. C’est pour ça que la FDA a demandé au fabricants de ne déposer aucune demande d’autorisation urgente avant deux mois après la dernière injection. La majeure partie de ces effets intervient dans ce temps-là. Mais pas tous : c’est pour ça qu’il va y avoir une pharmacovigilance à long terme.
Bien sûr, on va surveiller l’ensemble des événements qui vont se produire quand il y aura cette vaccination massive de la population. C’est valable pour ces vaccins, comme pour tous les vaccins.
Existe-t-il un risque de cancer avec le vaccin à ARN ?
Pr Schwartz : L’ARN messager ne modifie pas de façon durable le génome ni le fonctionnement de la cellule. Il n’y a pas de raison de penser que cela peut provoquer l’apparition de cancers.
Au contraire, la cellule qui produit grâce à cet ARN des protéines virales va être détruite assez rapidement. Il existe des anticorps et des cellules du système immunitaire qui sont là pour éliminer ces cellules hyperactives. C’est pour ça que ce vaccin est efficace : l’ARN agit d’une part en induisant la production de la protéine spike, mais aussi en suscitant une réponse inflammatoire du système immunitaire.
Un risque lié à la maladie de Guillain-Barré ?
Pr Crémieux : On observe la maladie de Guillain-Barré lors d'une infection virale. Après un délai de quelques semaines, il y a une réponse inflammatoire qui se traduit par cette pathologie neurologique, une atteinte des nerfs. Heureusement, dans l’immense majorité des cas, elle régresse, mais elle peut nécessiter de la réanimation. On sait que cela peut aussi être dû à des vaccins.
On ne peut donc pas exclure que ces vaccins suscitent cette réponse. Mais à ce stade, on connaît l’essentiel des effets indésirables, mais on ne sait pas tout. C’est pour ça qu’il existe un système de pharmacovigilance. On considère toutefois que la balance bénéfices/risques est très favorable, notamment pour les personnes à risque de forme grave de Covid.