Protection des lanceurs d'alerte : que contient la proposition de loi ?
Les lanceurs d’alerte sont indispensables à la démocratie mais leur parcours est souvent chaotique. Mi-novembre, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à mieux les protéger des représailles.
Keltoum avait comme métier de protéger les données de santé. En 2019, elle était employée dans une structure rattachée à une Agence régionale de santé.
Très vite, elle constate un risque de fuite de ces données sensibles. Elle alerte aussitôt sa hiérarchie, qui aurait ignoré le problème. Pire, elle aurait sanctionné la jeune femme.
Sanctionnée pour avoir alerté
"J’ai été assez pénalisée par le fait de devoir alerter en premier le directeur et le sous-directeur. Parce qu'à ce moment-là ils ont, pour moi, monté une stratégie pour m'isoler par rapport au reste de l'équipe. Par exemple, on m’a rétrogradée, on m’avait embauchée sur le poste de responsable de l’unité data, et tout à coup, on m’a dit que j’étais simplement membre de l'unité data", explique Keltoum Chaouche, lanceuse d’alerte.
Quatre mois après sa prise de poste, c’est la douche froide, Keltoum est licenciée.
"C’est un sentiment d'injustice évidemment, et beaucoup d’isolement. J’ai vraiment ressenti la solitude alors que je dénonçais une alerte", confie Keltoum.
Elle conteste son licenciement auprès du tribunal administratif de Toulon. Cela fait deux ans, son dossier n’a pas encore pu être traité.
Une proposition de loi pour les protéger
Beaucoup de lanceurs d’alerte comme Keltoum vivent les pressions et la perte d’un emploi.
Les députés ont adopté, une proposition de loi, en première lecture mi-novembre, afin de mieux les protéger.
"Il est indispensable de mieux protéger les lanceurs d’alerte contre les représailles dont ils peuvent faire l’objet", commente Sylvain Waserman, député MoDem, rapporteur de la proposition de loi sur la protection des lanceurs d’alerte.
Parmi les mesures, il y en a une qui consiste à leur permettre de signaler leur alerte directement auprès d’organismes externes. Jusqu’ici, il fallait prévenir l’employeur en premier lieu, au risque de représailles.
"On voit bien que c’est un frein et que c’est inadapté. Demain, on pourra soit utiliser ce canal interne, que beaucoup d'entreprises développent et qui sera une façon, toujours, à privilégier. Soit, si on n'a pas confiance dans ce canal interne, on pourra passer directement en externe. Il y aura une liste d'autorités indépendantes qui, non seulement, auront l’obligation de prendre le sujet, mais auront des délais impartis pour traiter l’alerte", explique Sylvain Waserman.
Avec cette loi, un lanceur d’alerte n’aura plus à agir de manière "désintéressée", une notion floue, qui pouvait l’empêcher d’obtenir des indemnités en cas de litiges.
Des soutiens psychologique et financier
Les sanctions seront aussi plus sévères en cas de représailles contre lui, jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende. Dans certains cas, il bénéficiera d’un soutien financier. La Maison des Lanceurs d’Alerte salue cette loi, mais la trouve trop peu ambitieuse.
"On appelle à la création d’un fond de soutien financier qui viendrait prendre en charge les frais de justice exorbitants auxquels les lanceurs d’alerte font face, et qu’une association comme la nôtre, avec des moyens réduits, ne peut pas assurer aux lanceurs d’alerte", explique Blandine Sillard, chargée de développement à la Maison des Lanceurs d’Alerte.
La proposition de loi doit maintenant être examinée par le Sénat.