Amiante en milieu scolaire : des enseignants exercent leur droit de retrait
Soixante-dix professeurs du lycée Georges-Brassens de Villeneuve-le-Roi exercent leur droit de retrait depuis une semaine car leur établissement serait contaminé par l'amiante. Un cas loin d'être isolé en France.
La présence d'amiante concernerait plusieurs établissements scolaires en France. Selon l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante, un tiers des écoles primaires n'ont par exemple pas fait de diagnostic concernant cette fibre cancérigène. L'amiante est interdit dans les nouvelles constructions depuis 1997 mais beaucoup d'écoles, de collèges ou de lycées ont été construits avant cette date.
Gwenaël Roussarie, professeur d'histoire-géographie et président de l'association Urgence Santé Brassens, était l'invité du Magazine de la santé, ce mercredi 17 octobre pour alerter sur ce problème majeur de santé publique.
- Pourquoi les professeurs du lycée Georges-Brassens de Villeneuve-le-Roi ont-ils exercé leur droit de retrait ?
Gwenaël Roussarie, professeur d'histoire-géographie et président de l'association Urgence Santé Brassens : "Il y a un an, on a retrouvé de l'amiante dans l'air de l'établissement. Officiellement, jusqu'à présent, tous les textes, notamment le dossier technique amiante, attestaient qu'il n'y avait aucun amiante. Or, à la suite d'une inquiétude d'un professeur, qui avait retrouvé des débris au sol, des expertises et des mesures ont été réalisées et elles ont démontré la présence d'amiante dans l'air de la salle. Cela a entraîné un long droit de retrait des professeurs (en novembre 2017 ndlr). Il y a eu deux mois de perturbations des enseignements. Les autorités nous ont demandé de reprendre les cours sans que des travaux ne soient réalisés mais les professeurs ne souhaitaient pas prendre ce risque. Nous sommes finalement rentrés dans les locaux au mois de mars dernier, avec un certain nombre d'assurances notamment de la part de la région, des contrôles périodiques..."
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- Allez-vous travailler tous les matins avec l'angoisse de tomber malade ?
Gwenaël Roussarie : "On arrive au travail avec la peur au ventre. Un incendie a récemment éclaté (le 29 septembre ndlr), cela a entraîné une inondation qui a peut-être provoqué des infiltrations dans les flocages amiantés donc il y a une vraie inquiétude."
- Selon l'Andeva qui soutient votre combat, 77% des lycées seraient contaminés par l'amiante. Existe-t-il une prise en charge par les pouvoirs publics ?
Gwenaël Roussarie : "Pour le moment, il y a plutôt un refus d'affronter la situation. Tous les établissements ne sont pas forcément dégradés. Tant que les matériaux amiantés restent en bon état, il n'y a pas forcément de danger. Mais il faudrait un diagnostic. Au lycée Georges-Brassens, le diagnostic était faux. Des ouvriers sont intervenus en pensant qu'il n'y avait pas d'amiante, on a travaillé sous des flocages amiantés... Dans ce cas, le risque est mortel."
- Certains de vos collègues, dans votre établissement ou d'autres, ont-ils développé des maladies dues à l'amiante ?
Gwenaël Roussarie : "L'association Urgences Santé Brassens commence à recevoir des témoignages. Les cancers liés à l'amiante se déclenchent seulement trente ans après, on est donc sur du long terme (...) En Grande-Bretagne, 200 enseignants sont décédés depuis 2001 à cause d'une exposition à l'amiante. Pour les élèves, nous n'avons pas encore de chiffre mais il faudrait vraiment l'évaluer."
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- Quelle est la situation aujourd'hui dans votre lycée ?
Gwenaël Roussarie : "Nous sommes actuellement sur un blocage complet. On aimerait enseigner dans des salles non amiantées des collèges voisins mais les autorités considèrent que nos locaux sont sûrs alors qu'on ne sait pas pourquoi il y a eu cet incident amiante, ni cet incendie. Donc pour le moment, c'est le blocage.
"Nous sommes au lycée tous les jours mais nous ne serons probablement pas payés ce mois-ci. Mais très clairement, entre prendre le risque d'emmener les élèves dans ces locaux et des questions de salaires, la question ne se pose pas."
- Qu'attendez-vous des pouvoirs publics ?
Gwenaël Roussarie : "Pour le moment, nous n'avons pas de contact particulier. Nos interlocuteurs ont été la région et le rectorat. Nous attendons à très court terme d'avoir des locaux à disposition non amiantés. Ils existent. Et à plus long terme, on aimerait qu'il y ait une prise de conscience, la majorité des lycées, des collèges sont probablement concernés. On attend donc un vrai plan, comme ce qui a pu se faire en Grande-Bretagne par exemple."