Antibiotiques pour "guérir" l'autisme : l'Agence du médicament saisit la justice
L'Agence du médicament (ANSM) a saisi le procureur de la République pour signaler des cas de médecins prescrivant à des enfants autistes des antibiotiques ou des substances censées éliminer les métaux lourds.
Antibiotiques, antifongiques, chélateurs de métaux lourds… L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a saisi le procureur de la République le 15 septembre pour lui signaler des cas de médecins prescrivant des médicaments en dehors de leurs autorisations de mise sur le marché pour "guérir" l’autisme, sans aucune preuve scientifique.
L'ANSM "déconseille formellement ces utilisations pour lesquelles ces médicaments n'ont fait aucune preuve de leur efficacité et qui exposent ces enfants à des risques, en particulier lors d'une utilisation prolongée", précise l’agence dans un communiqué.
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Effets secondaires et antibiorésistance
Les pratiques incriminées concernent la prescription "sur de longues durées (plusieurs mois)" de "médicaments anti-infectieux" (antibiotiques, antifongiques, antiparasitaires, antiviraux) et de "chélateurs de métaux lourds", des substances censées éliminer les métaux lourds de l'organisme, détaille l’ANSM.
Problème, ces médicaments anti-infectieux exposent les enfants à un risque d’effets indésirables, "en particulier lors d'une exposition au long cours" s’inquiète l’ANSM. Ces effets comptent des troubles digestifs, cardiovasculaires et cutanés et l’usage répété des antibiotiques contribue "à l'émergence d'une antibiorésistance qui diminuera l'efficacité du traitement en cas d'infection avérée", prévient l’ANSM.
Les Ordres également alertés
A l’origine de cette alerte : la présidente de l’association SOS Autisme, Olivia Cattan qui, fin 2019, informe l’ANSM de l’existence de ces pratiques. L'agence recueille ensuite des témoignages de parents et des ordonnances qui font état de ces prescriptions.
Après enquête interne, l'ANSM annonce avoir "informé le procureur de la République de ces pratiques de prescriptions dangereuses" cet été, mais aussi les Ordres des médecins et des pharmaciens, responsables du respect des règles de déontologie par leurs membres, ainsi que la Caisse nationale d'Assurance maladie (CNAM).
"Les parents (...) se font avoir"
Olivia Cattan, qui s'apprête à publier un livre* pour dénoncer ces pratiques, annonce dans un communiqué se joindre à la plainte de l’ANSM auprès du procureur de la République. "On voudrait vraiment que ça aille en justice et que ces médecins soient radiés. Les parents, dans une impasse thérapeutique, se font avoir et jettent leur argent dans des « protocoles » pas prouvés scientifiquement", déplore-t-elle auprès de l’AFP.
Car "les troubles du spectre de l'autisme constituent un syndrome neuro-développemental pour lequel il n'y a pas de traitement médicamenteux curatif", rappelle Philippe Vella, directeur des médicaments en neurologie à l'ANSM.
5.000 enfants "traités" en huit ans
Selon Olivia Cattan, une cinquantaine de médecins seraient concernés et auraient "traité" quelque 5.000 enfants depuis 2012. Au cours de ces huit dernières années, des essais auraient été conduits sur des personnes autistes "sans aucune autorisation", "y compris dans des IME (instituts médico-éducatifs, ndlr)" dénonce-t-elle dans un communiqué.
Ces médecins s’inscrivent dans la mouvance de l'association Chronimed, fondée par le controversé professeur Luc Montagnier. Ses propos tenus lors d’une conférence en 2012 avaient d’ailleurs fait réagir l'Académie nationale de médecine. L’instance avait estimé qu'"il serait déraisonnable de donner aux parents d'enfants atteints de cette maladie des espoirs injustifiés avant une validation de ces résultats par plusieurs équipes médicales".
Si elle "se félicite de la suite donnée" par l'ANSM à son alerte, Olivia Cattan se dit toutefois dans son communiqué "étonnée du peu de réactions et d'actions de Mme Compagnon, chargée de l'autisme au gouvernement", ainsi que des autres membres du gouvernement concernés qu'elle a rencontrés.
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*Le livre noir de l'autisme, à paraître le 24 septembre aux Éditions Cherche-Midi