Dépakine® : l'ANSM admet un défaut de précaution
INTERVIEW – Sur le plateau du Magazine de la santé, l'actuel directeur de l'ANSM est revenu sur la responsabilité de l'agence dans le dossier de la Dépakine®.
En février 2016, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) soulignait "un manque de réactivité des autorités sanitaires et du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché", à savoir le laboratoire Sanofi®. Mais le laboratoire, qui a continué de commercialiser le médicament, rejette la faute sur l’agence du médicament. "Dès 2003, nous avons demandé aux autorités de santé d’intégrer dans les documents d’information ce risque lié aux troubles neuro-développementaux", affirme Pascal Michon, directeur médical de Sanofi, dans le reportage diffusé dans le Magazine de la santé ce 29 septembre. "L’Afssaps a refusé une première fois. Nous sommes remonté au créneau en 2004. Mais il a fallu attendre janvier 2006 pour avoir une réponse partielle mais ça n’est qu’en 2010 que les documents d’information ont été mis à jour."
Dominique Martin, nommé directeur général de l’ANSM (ex-Afssaps) en septembre 2014, reconnaît aujourd'hui que l’agence n’est pas exempte de responsabilités.
"C’est un problème de responsabilité collective", a-t-il tenu à préciser sur le plateau de l'émission. "Il y a une chaîne, un producteur, des régulateur – l’agence [du médicament], les autorités – et les prescripteurs. Les responsabilités vont être établies par le juge. […] Moi, mon engagement et ma responsabilité, c’est effectivement de reconnaître que, [premièrement], il y a eu un défaut de précaution sur la période, c’est très clair ; [ensuite], qu’il y a eu un retard dans l’information des mères et des familles."
Dominique Martin se garde cependant de répondre aux accusations de Sanofi® : "je ne renverrais pas la responsabilité sur qui que ce soit, [car] c’est un jeu qui est complètement délétère, et qui n’est pas à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres, collectivement. On doit les assumer. J’assure mes responsabilités, en prenant l’engagement de fournir toutes les informations au juge pour que la vérité soit totalement faites. On le doit aux familles pour des raisons morales, tout d’abord ; on le doit également à la santé publique, car c’est en comprenant exactement et du mieux possible ce qui s’est passé que l’on préviendra les problèmes à l’avenir."
En mai 2015, l’ANSM a fait évoluer ses préconisations sur la Dépakine®. Elle rappelle que pour les femmes en âge de procréer, ce médicament ne doit être prescrit que si les autres traitements sont inefficaces ou mal tolérés. Pour une première ordonnance, elles doivent obligatoirement passer par un spécialiste, neurologue ou pédiatre.
Les premières alertes sur les dangers de la Dépakine® datent des années 80. "On connaissait très bien ce risque", nous expliquait Pr Philippe Derambure, neurologue et président de la ligue contre l’épilepsie, dans un reportage diffusé ce 29 septembre. "Mais [ce risque] a été probablement sous-évalué au début de la commercialisation de la Dépakine® non pas faute d’informations mais parce que la Dépakine® était un médicament qui résolvait beaucoup de problèmes dans la prise en charge de l’épilepsie".
Dans les années 2000, une nouvelle alerte apparaît, elle concerne cette fois-ci les risques de retards neuro-développementaux. Jusqu’en 2009, le médicament est seulement déconseillé aux femmes enceintes. En 2010, les risques sont enfin détaillés sur la notice en ces termes : "La prise de ce médicament au cours de la grossesse est susceptible d'entraîner des malformations du fœtus […], des troubles du développement et des troubles autistiques chez l'enfant."