Des patients maltraités dans le service de dermatologie de l'hôpital de Besançon ?
Patients privés de diagnostic, traitements interrompus, recours abusifs aux chimiothérapies... Le Pr Philippe Humbert, l'ex-patron du service de dermatologie de l’hôpital de Besançon, dénonce une série de pratiques douteuses. Il a reçu le soutien d’un collectif de patients, mais la direction de l’établissement dément. Après enquête, l'Agence régionale de santé (ARS) a déclaré infondées les accusations portées par le professeur.
Dans son métier de journaliste, Myriam a l'habitude d'écouter. Mais pour une fois, c'est elle qui prend la parole, au nom de son mari décédé il y a un an. Elle dénonce le manque de transparence du service de dermatologie de l’hôpital de Besançon à l’égard des patients.
"Bien avant qu’on nous annonce que mon mari avait un angiosarcome, un cancer des tissus mous, lors d’une de ses nombreuses hospitalisations à Besançon, on lui a prescrit un traitement sur trois semaines et c’est bien après (…) qu’on a appris que c’était une chimiothérapie. On était à mille lieues d’imaginer que c’était déjà de la chimio ! On a pris mon mari pour un imbécile !"
Une faute médicale grave pour le Pr Philippe Humbert qui a dirigé ce service pendant vingt-deux ans. Il démissionne en 2015. Cette même année, le dermatologue commence à dénoncer les dérives au sein de l’hôpital. "J’ai alerté le CHU en donnant copie de courriers que je recevais en tant que chef de service. Certains malades se sont plaints de la façon dont ils étaient pris en charge dans certaines unités du service de dermatologie. Certains disaient qu’ils avaient été victimes de maltraitances, c’est-à-dire de la façon dont on leur avait parlé, d’autres parlaient d’humiliations."
Une utilisation abusive de la chimiothérapie ?
Les accusations du Pr Philippe Humbert ne s’arrêtent pas là. Selon lui, une vingtaine de réunions de concertation pluridisciplinaire ou RCP ne se seraient pas déroulées en bonne et due forme. Elles sont pourtant obligatoires pour décider du traitement des patients atteints de cancer. Selon lui, c’est "une garantie pour les malades d’avoir le meilleur traitement possible. Cette réunion met ensemble un oncologue de la spécialité en général, un chirurgien et un radiothérapeute, voire même d’autres spécialités. Ce qui s’est passé et que j’ai pu observer, c’est qu’il n’y avait pas les chirurgiens et les radiothérapeutes. Il n’y avait que l’expression du choix du chimiothérapeute".
D’après lui, ces irrégularités auraient ouvert la voie à des recours trop fréquents à la chimiothérapie. Ce que dément formellement l’Agence régionale de santé. Elle a mené dans le service des inspections en novembre 2015 et en septembre 2016. Selon l’ARS, les défauts dans l’organisation et le fonctionnement des réunions de concertation pluridisciplinaire ont été corrigés. Le Dr Olivier Obrecht, directeur adjoint de l’ARS de Bourgogne Franche-Comté, affirme que "les accusations, qui sont aujourd’hui portées par le professeur Humbert à la fois sur le fonctionnement du service de dermatologie et sur la qualité de la prise en charge des patients, ne sont pas fondées".
L'hôpital de Besançon porte plainte pour diffamation contre le Pr Humbert
Des conclusions qui vont dans le sens de l’hôpital qui a porté plainte contre le Pr Humbert pour diffamation. La direction s’interroge aussi sur le calendrier des accusations du médecin. Il se serait positionné comme un lanceur d’alerte alors qu’au même moment, des internes se plaignaient de son comportement. Faux répond le Pr Humbert. Selon lui, on chercherait à le faire partir et, si possible, avec ses patients comme Angélique. Elle explique : "en novembre, je me présente avec ma perfusion. Là, un médecin me dit (…) "écoutez, c’est la dernière fois qu’on se voit". A cause de ces guerres de service, nous patients, on est malheureusement mis à la rue."
Angélique ne compte pas en rester là. Elle vient de monter un collectif de patients qui se plaignent d’une mauvaise prise en charge au sein du service de dermatologie. Plusieurs d’entre eux ont décidé de saisir l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).